Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à des habitudes nouvelles ; le self help, — l’aide-toi toi-même, — s’implante parmi le peuple, surtout parmi le peuple des campagnes, qui acquerra la notion de sa force en prenant conscience de sa richesse, plus grande que celle d’aucun banquier, et qui apprendra à s’en servir chez lui et pour lui. L’Etat, dans cette expansion de la mutualité, n’a joué qu’un rôle très effacé. La loi du 5 novembre 1894 contient, au profit de ces petites sociétés, des exemptions fiscales raisonnables et réduit à leur minimum les formalités de constitution. Elle ne les autorise toutefois qu’entre personnes exerçant la profession d’agriculteur ou une profession connexe ; elle laisse en dehors tous les autres métiers ou commerces qui s’exercent dans les communes champêtres et qui ont aussi besoin de crédit. D’où, pour les caisses cantonales celle alternative ! : rester dans la légalité, en refusant leur concours à qui n’est pas cultivateur, ou l’accorder à cette catégorie de gens, en violant la loi. A quoi, le plus souvent, les caisses se résolvent sans peine.

Une autre loi (1895) a permis aux caisses d’épargne d’employer en prêts aux sociétés de crédit mutuel un cinquième de leurs ressources. Mais, par la brèche ainsi pratiquée dans notre vieux système centraliste, c’est à peine si trois ou quatre d’entre nos caisses d’épargne ont songé à passer jusqu’à ce jour ; tellement est grande la routine qui leur fait, en France, porter tous leurs fonds au Trésor ; tandis qu’à l’étranger, — en Suisse ou en Allemagne, — elles en usent avec une entière indépendance.

Au reste, ce n’est pas l’argent qui fait défaut, puisque la Banque de France, lors du renouvellement de son privilège en 1897, a consenti au gouvernement une avance de 40 millions sans intérêts et une redevance annuelle proportionnée à ses bénéfices. Une somme de 53 827 000 francs figure de ce chef, aujourd’hui, dans les comptes de notre grand établissement national, à la disposition de l’Etat. Elle est destinée à subventionner les caisses régionales de crédit mutuel, intermédiaires naturels entre les caisses locales dont elles escomptent le papier, et la Banque de France, à qui elles le repassent. À cette subvention, qui peut égaler le montant du capital de chaque société, il n’a été que bien discrètement fait appel, depuis trois ans, pour un total de 605-000 francs, par huit caisses régionales, dont celle de la Beauce et du Perche, celle de la Marne, Aisne et Ardennes, celle du Midi et celle de la Charente, ont pris la plus forte part.

Et non seulement l’argent ne manque pas, mais le plus grand