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l’émission des bons dont les trois quarts vont à ses comptoirs.

Présentés par le magasin dont il s’agit à la caisse Crespin-Dufayel, ces bons y sont immédiatement payés, avec une retenue de 18 pour 100. Comment, dans le commerce des nouveautés, où le profit net est très mince, a-t-il été possible d’accepter une charge aussi lourde, même en économisant sur les autres frais généraux et en réduisant les gains au minimum, c’est ce que je ne me chargerai pas d’expliquer. L’acheteur, toujours éveillé sur ses intérêts, capable de comparer les prix parmi les offres concurrentes qui lui sont faites dans les catalogues et de discerner, par l’usage, les qualités relatives des marchandises, ne se porterait pas sans doute avec constance dans un bazar où il serait trompé. Il n’en est pas moins vrai que les maisons qui « travaillent » ainsi ne reçoivent, pour 100 francs de bons, que 82 francs d’argent : qu’elles pourraient, en livrant les mêmes articles au comptant, faire bénéficier leur clientèle de 18 pour 100 de rabais ; autrement dit, que l’acheteur paie 18 pour 100 le crédit qui lui est consenti. Il le paie même davantage, puisqu’il fait, à la délivrance des bons, un versement immédiat en monnaie, dont la quotité, — le cinquième jusqu’à 50 francs, — augmente progressivement au quart ou au tiers pour les sommes supérieures.

Cependant, cette part de 18 francs pour 100 francs, bénéfice brut de l’établissement Dufayel, qui parait lui réserver un intérêt formidable, ne laisse qu’un profit assez mince, par suite des dépenses nécessaires pour assurer à des rouages aussi compliqués un fonctionnement sûr. En 1880, lorsque le chiffre d’affaires était seulement de 5 millions, les frais généraux atteignaient 19 pour 100, et, si les remises des magasins n’eussent été beaucoup plus fortes, la maison eût été en perte, même sans tenir compte du loyer des sommes qui lui étaient dues. Les frais, décroissant peu à peu, s’élèvent encore, paraît-il, à 14 pour 100, absorbés presque exclusivement par le personnel administratif : car les pertes, occasionnées par les mauvais payeurs, ne sont que de I à 2 pour 100.

Les « abonneurs » et receveurs, au nombre de 800, se partagent les divers quartiers de Paris, subdivisés en 170 sections. L’« abonneur » est le courtier, le recruteur de cette armée de cliens dont l’effectif actuel, dans la capitale et sa grande banlieue, dépasse 600 000. Il touche 5 pour 100 sur les engagemens nouveaux qu’il apporte, et conserve indéfiniment la moitié de cette