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signification d’un vieux texte, ou dans les apparentes contradictions d’une antique doctrine.

Ce que les auteurs de la Défense et Illustration ont donc voulu dire, avec leur théorie de l’imitation des anciens, et ce qu’en somme ils ont dit, c’est que, la langue française étant capable en soi d’égaler le latin et le grec, elle n’y pouvait réussir qu’en imitant les moyens qui jadis avaient porté ces langues elles-mêmes à leur perfection. Et, en effet, on ne dérobe à quelqu’un le secret de son art qu’en se résignant soi-même à pratiquer, pour commencer, le rudiment de cet art ; ou encore, et de même que l’obéissance est l’apprentissage du commandement, ainsi l’imitation est le noviciat de l’originalité. Je me sers exprès de ces mots de « noviciat » et d’ « apprentissage, » comme rendant mieux que d’autres, si je ne me trompe, le second, ce qu’il y a de provisoire, et le premier de quasi religieux dans l’imitation des anciens, telle que l’ont conçue Ronsard et Du Bellay. Mais les mêmes poètes, à qui l’on reprochera plus tard d’avoir voulu parler grec et latin en français, et dont les œuvres, nous le verrons, ne laissent pas de donner prise à cette accusation, — parce que la doctrine est une chose, et l’application en est une autre, — sont au contraire, dans la Défense et Illustration, plus indépendans que leurs critiques eux-mêmes de cette antiquité gréco-latin. Ils en sont plus émancipés que ne le seront Voltaire ou Boileau ! Qu’on se rappelle seulement à ce propos la conclusion de leur opuscule.


Là donques, François, marchez courageusement vers cette superbe cité romaine, et des serves despouilles d’elle, comme vous avez fait plus d’une fois, ornez voz temples et aulelz. Ne craignez plus ces oyes criardes, ce fier Manlie et ce traître Camille qui sous ombre de bonne foi vous surprenne tous nuz, contans la rençon du Capitole. Donnez en cette Grèce menteresse et y semez encor’ un coup la fameuse nation des Gallo Grecs. Pillez-moi sans conscience, les sacrez thrésors de ce temple delphique, ainsi que vous avez fait autrefois ; et ne craignez plus ce muet Apollon, ses faulx oracles, ni ses flesches rebouchées. Vous souvienne devostre antique Marseille, seconde Athènes, et de vostre Hercule Gallique tirant les peuples après lui par leurs oreilles avecques une chaîne attachée à sa langue.


Or, précisément, c’était ce que les latineurs et préconiseurs, au sentiment de Ronsard et de Du Bellay, n’avaient pas fait jusqu’alors. Ces dépouilles de l’antiquité, ils ne se les étaient point rendues serves, » et, comme il dit ailleurs, ces sacrés trésors