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de former trait d’union entre les Occidentaux et les indigènes. Ce n’est d’ailleurs pas assez de cette instruction élémentaire ; il faudra, dès que les circonstances politiques de la Chine et l’état des fonds le permettront, y joindre une culture plus élevée, des études d’agriculture, de sériciculture, de mécanique, de tissage, de médecine, par exemple : quelques cours de ce genre existent déjà, ainsi ceux que professait jusqu’aux derniers événemens un médecin français à Tien-tsin. Ce genre d’instruction sera rapidement apprécié des Chinois et commencera de réaliser entre les deux civilisations le rapprochement auquel il faut parvenir.

Telle est l’œuvre entreprise par les missionnaires catholiques contemporains, et tel est le champ qui s’ouvre à leur dévouement : car, sinon eux, qui pourrait tenter l’éducation de cet empire, économiquement, puisque l’on a peu d’argent, et avec la patience, la continuité, l’unité de direction nécessaires pour assurer le succès ? Reste, pour qu’ils reconstruisent et agrandissent encore l’édifice de leurs prédécesseurs, un seul obstacle à écarter : l’interdiction des rites. Mais cette sentence, si souvent modifiée, est-elle irrévocable ? et n’en peut-on reprendre l’examen avec les idées plus éclairées et plus largement humaines qui règnent au Vatican aujourd’hui ?

Je ne veux pas négliger de mentionner les missions protestantes qui ont paru en Chine en 1807 et qui, aussi bien que les catholiques, ont profité des traités conclus depuis 1842 ; outre l’évangélisation, elles se sont appliquées surtout, avec les ressources considérables dont elles disposent, à la fondation de dispensaires et d’écoles, dont quelques-unes portent le nom ambitieux d’Université. C’est un missionnaire américain, le Rev. Gilbert Reid, qui a récemment lancé l’idée d’un institut international où toutes les nations de bonne volonté concourraient, par leur argent et par leurs professeurs, à l’éducation de la Chine, au moyen de conférences, bibliothèques, musées, laboratoires : idée généreuse, mais utopique, car on ne voit pas d’où viendrait la direction. Je n’ai pas à apprécier le succès en Chine des diverses confessions protestantes, presque toutes de langue anglaise ; il est parfois compromis par un zèle peu éclairé, par un emploi indiscret de l’argent, mais il est diminué surtout par l’essence même du protestantisme : l’absence de hiérarchie, le principe de libre examen sont opposés au caractère des Chinois. On ne peut d’ailleurs que s’incliner devant le dévoilement des missionnaires.