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continuer leur service d’astronomes impériaux, tandis que les autres étaient poursuivis, soit par ordre de l’Empereur, soit sur l’initiative des vice-rois. On vit même l’un de ceux-ci suivre pendant plusieurs années une politique persécutrice, malgré les injonctions de la Cour. Ces faits montrent à la fois combien l’autorité des plus grands empereurs s’exerçait difficilement dans les provinces, et qu’à l’égard de la religion chrétienne, il n’existait aucun sentiment général d’opposition : l’opinion était flottante. S’il eût été permis aux missionnaires jésuites de poursuivre l’œuvre commencée, leurs rapides et solides succès permettent de croire que les chrétiens se fussent multipliés et que la Chine se fût peu à peu apprivoisée aux idées européennes.

La querelle des rites ruina l’édifice. Fidèles à leur principe d’accepter des mœurs chinoises tout ce qui n’était pas directement, contraire à la religion, se rappelant peut-être combien de formes païennes ont été empruntées par la primitive Eglise qui les a remplies d’un sens chrétien, les Jésuites avaient toléré chez leurs néophytes le culte des ancêtres, celui de Confucius et d’autres rites analogues, ayant reconnu, après discussion approfondie avec les lettrés, qu’il y avait là non une adoration païenne ou des pratiques superstitieuses, mais un hommage rendu aux morts : cette concession était encore justifiée par les déclarations des chrétiens au sujet du sens qu’eux du moins attachaient à ces cérémonies. Vers 1630, des Dominicains espagnols entrèrent au Fou-kien ; en 1684, abordait Mgr Pallu, des Missions étrangères. À cette époque, bien qu’il existât une division rudimentaire en provinces ecclésiastiques, des missions d’origines diverses travaillaient le même terrain : entre les Jésuites de la vice-province de Chine, ceux de la province du Japon, ceux de la mission française de Péking à partir de 1687 ; entre les Dominicains, les membres de la Société des missions étrangères, dont le premier porta le titre d’Administrateur général des missions de Chine, les frontières et les attributions n’étaient pas déterminées. Cette confusion eut des suites fâcheuses ; dès le lendemain de leur arrivée, les Dominicains, mal éclairés, dénoncèrent à Rome la tolérance des Jésuites pour les rites chinois ; la question fut tranchée, en sens contraires, en 1645 et 1656 ; reprise par Mgr Maigrot, des Missions étrangères (1693), elle fut, après de longs débats et des décisions contradictoires, résolue contre les Jésuites par la bulle Ex quo singularis (1742). Désormais les chrétiens devaient