nombre : les industries multiples et raffinées, touchant à l’art, mais n’y atteignant pas souvent, satisfont aux recherches de l’élégance et de la sensualité ; l’organisation démocratique permet à chacun d’aspirer, pour lui ou pour les siens, à l’instruction, aux examens, aux charges ; la famille et les autres associations guident, de la naissance à la mort, l’individu qui a peu de personnalité et redoute l’isolement ; la littérature et la morale orthodoxes, en théorie bien commun de tous, sont, pour le lettré, l’expression adéquate de toute beauté, de toute vérité. De cette civilisation, le Chinois jouit avec amour ; il ne conçoit rien en dehors, est même incapable de percevoir ce qui lui est étranger, et il reporte sur elle tout le dévouement qu’il n’a pas pour sa patrie.
Ce dévouement n’est pas sans égoïsme, mais il n’est pas dépourvu de désintéressement, puisque, dans cette civilisation complexe comme dans d’autres, se mêlent les idées élevées et les jouissances matérielles. L’esprit terre à terre du peuple s’est appliqué avec succès à tout ce qui facilite la vie : il est superflu d’insister sur l’activité des Chinois, sur leur ingéniosité à gagner de l’argent. Chez le travailleur, l’avidité est tenue en bride par l’intérêt bien entendu : les commerçans sont renommés pour leur honnêteté, et je ne pense pas que sur ce point, surtout dans la population rurale, le niveau moral diffère sensiblement de ce qu’il est autre part. Chez le mandarin, l’avidité, qui est la même, ne trouve pas à se satisfaire par des gains licites, les traitemens étant notoirement insuffisans : il ne reste de ressource que la concussion sons les formes les plus variées. Les moralistes la condamnent ; mais l’Etat la tolère, l’opinion l’absout et la coutume ancienne la consacre ; la corruption est telle cependant qu’elle sera bien difficile à guérir et qu’elle arrêtera, ou peut le craindre, toutes les réformes tentées. Le désintéressement n’en est pas moins prêché par les lettrés, alors qu’ils ne le pratiquent pas ; les enfans sont nourris d’exemples de fidélité au souverain, d’amour de l’étude, de mépris des richesses : ces préceptes influent parfois sur la vie. En face des mandarins rapaces, on en cite qui instruisent, secourent leurs administrés ; en face des lettrés qui, par l’étude, ne poursuivent que les honneurs lucratifs, ou en trouve qui ont entrepris de longues recherches, composé des œuvres importantes, dont ils ne tirent aucun profit, puisqu’il n’y a pas de propriété littéraire et que souvent les ouvrages sont publiés après la mort de l’auteur. On rencontre aussi des hommes