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Va-de-bon-cœur, que délivraient les hommes de sa bande, alors qu’on le conduisait enchaîné à Rodez, et tel encore Pelamourgue, comte de Cassagnouze, qui disparaissait, après être rentré par un coup d’audace dans son château, qu’occupait indûment son fermier. Le marquis de Bésignan et le baron de Saint-Christol s’étaient aussi dérobés par la fuite au châtiment qu’ils avaient encouru. Le second passa en Russie. A la recommandation du Roi, il obtint un emploi dans l’armée avec le grade qu’il avait eu à celle de Condé. Une fois en ce pays, on perd ses traces. En revanche, en l’an XI, on retrouve celles d’un de ses fils, qu’on accusait d’avoir comploté avec Danican et qui venait sottement se jeter dans un piège que la police lui avait tendu. On lui imputait des crimes atroces, comme « d’avoir fait massacrer des Français et joué un rôle actif dans l’odieux guet-apens de Rastadt. » Il avoua d’abord, puis se rétracta, ce qui n’empêcha pas une commission militaire de le condamner à la déportation. En attendant qu’il fût déporté, on le tint emprisonné à Nancy. Le 14 messidor an XI, on le trouva mort dans son cachot. Il s’était coupé la gorge avec un rasoir.

Il ne semble pas que Bésignan ait eu une fin aussi tragique. Elle fut en tout cas plus cachée. Au mois d’avril 1803, on signalait sa présence sur l’ancien théâtre de la capture et de la mort du marquis de Surville. Puis, l’agent qui l’avait signalée revenait sur ses dires, n’osant affirmer que ce fut l’ancien agitateur : « C’est peut-être son fils. Pour lui, il a bien peu de partisans, paraît-il, et on croit que, s’il revenait, il serait dénoncé. » L’histoire de ces obscurs comparses de nos guerres civiles abonde en ténèbres, en contradictions, en lacunes. Quand on cherche, en reconstituant leur histoire, à savoir comment ils finirent, on en est réduit le plus souvent aux suppositions et aux conjectures.


ERNEST DAUDET.