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lendemain dans la matinée, il arrive devant Barjac, commune populeuse de la Lozère, à douze kilomètres de Mende. Le bourg est gardé par une compagnie de volontaires. Il somme les officiers et les soldats de se rendre, en leur annonçant que Château-neuf-Randon est prisonnier et que Nîmes, Montpellier, Toulouse sont en insurrection. Sur le refus qui lui est opposé, il ordonne à sa troupe d’attaquer, désarme les volontaires, les enferme dans le poste et fait fusiller les deux officiers qui n’ont cédé qu’à la force. Il oblige ensuite les habitans à se cloîtrer chez eux, arrête les membres de la municipalité, ordonne le renversement des arbres de la liberté, réquisitionne de l’argent et des vivres et autorise le pillage. Il tient ainsi la commune sous la terreur jusqu’au soir. A onze heures, averti que de tous côtés des troupes marchent sur lui, armées de canons, il part, gagne Jalès où il prend des mesures de défense sous les yeux de la petite garnison du château, intimidée par son audace. Le lendemain, lorsque arrivent les généraux Châteauneuf-Randon et Motte, qui le poursuivent, il a déguerpi ; sa bande est dispersée et lui-même devenu de nouveau introuvable.

C’est en vain que, quelques jours plus tard, un conseil de guerre prononce la peine de mort contre trois des insurgés qui sont restés au pouvoir des troupes, les sieurs Croze, Fabregat, Bergé, et les fait exécuter séance tenante ; ce rigoureux et nécessaire exemple, s’il venge et châtie l’odieux assassinat commis à Barjac, ne fait pas tomber les armes des mains des rebelles. Longtemps encore, ils continueront à résister, à combattre, souvent protégés, aux heures les plus périlleuses de leur vie nomade, par la complicité des communes qui n’osent les dénoncer de peur des représailles dont elles sont menacées. On a beau multiplier les battues dans les bois, ces malandrins se dérobent toujours. Si l’un d’eux est pris, il trouve parmi ses juges des gens pour atténuer ses torts. Tel cet administrateur du Gard, Troupel, chargé de procéder à une enquête sur les événemens de Barjac, et qui avoue, avec raison d’ailleurs, « que les excès inexcusables des patriotes n’ont que trop contribué à fanatiser l’esprit de ces contrées. » L’histoire de l’année 1796 se résume pour le Midi dans celle de cette longue rébellion et des innombrables épisodes qui la caractérisent et s’y succèdent sans on modifier la physionomie.

Cependant, dès les premiers mois de 1797, il était visible que