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ses imprudentes équipées. En moins de quinze jours, il y eut plus de cent arrestations opérées, dont il était contraint de s’avouer l’auteur, les gens emprisonnés ne l’ayant été que parce qu’on les soupçonnait de s’être faits ses complices. Dans une lettre bien humble, datée du 15 février 1786, et adressée au juge de paix du canton de l’Hôtel-Dieu, il prenait leur défense ; il affirmait qu’ils ne l’avaient jamais ni vu ni connu : affirmation mensongère, qui, loin de leur venir en aide, aggravait les charges qui pesaient sur eux. Après cette manifestation en leur faveur, il disparut. Mais Imbert-Colomès ne lui pardonnait pas.

« Bésignan est actuellement en France, mandait-il de Lausanne, où il s’était réfugié, au prince de Condé ; mais je n’ai pu savoir positivement dans quelle partie. Les uns le disent dans le Velay, les autres dans le Forez. Ce qu’il y a de certain, c’est que, si le Directoire exécutif avait été jaloux de le faire arrêter, ç’aurait été chose facile, ce qui ferait présumer Bésignan capable de trahison, puisqu’il est encore libre. »

Dans la lettre qui formule ce jugement, injuste, Imbert-Colomès en rendait un second, mieux fondé, sans doute, sur l’un des compagnons de Bésignan, le chevalier de Lamothe.

« Quant à lui, je le crois à présent tout aussi dangereux que l’autre. Il est venu ici, il y a environ trois semaines, dans l’espérance d’y accrocher de l’argent et retourner en France, manœuvrer à sa guise. Il assurait être brouillé avec Bésignan et n’avoir plus rien de commun ensemble. Mais, je n’en crois rien ; leurs têtes se ressemblent trop pour se séparer. Il disait avoir laissé en France pour environ trente louis de dettes. Je lui ai offert de les payer sous condition qu’il ne rentrerait pas, qu’il irait à votre armée, et je promettais de lui payer un traitement particulier pendant qu’il y serait. Il a refusé ma proposition et a préféré de rentrer pour se mettre de nouveau à la tête de soixante ou quatre-vingts vagabonds qui couraient les montagnes du Forez avec lui et Bésignan. J’ai pris des mesures pour éviter à ces deux mauvaises têtes toute confiance de la part des habitans des campagnes et j’espère y réussir. »

Sous ces appréciations sévères à l’excès, Condé devina-t-il le reproche de s’être montré trop confiant dans Bésignan et dans Lamothe ? La réponse qu’il fit à Imbert-Colomès ne permet guère d’en douter :

« Je ne prends pas le plus petit intérêt à M. de Bésignan, dont