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soutiens les plus fidèles. En dehors d’eux, il y a au Palais-Bourbon un groupe qui s’intitule progressiste, et qui contient les élémens modérés, tolérans et libéraux du parti républicain. Ce groupe a été, dans les législatures antérieures, le pivot de la majorité républicaine, et peut-être le sera-t-il encore dans les législatures futures, à condition qu’il reste lui-même : mais il ne l’est plus en ce moment. Le cabinet actuel a manœuvré de manière à l’exclure de plus en plus de sa majorité : les projets de loi déposés par lui depuis quelque temps, qu’ils doivent ou non être votés, sont évidemment destinés à creuser un fossé de plus en plus profond entre les progressistes et les ministériels. Pourtant les premiers ont cru qu’il pouvait y avoir quelque utilité à délibérer avec les seconds, et ils ont écrit une lettre à M. Sarrien pour lui demander à être admis dans le cénacle qu’il préside. Grosse imprudence à notre avis, car enfin cette proposition pouvait être acceptée, et les progressistes se seraient trouvés alors dans la situation la plus fausse. Mêlés aux élémens les plus nombreux et les plus violens de la majorité, ils y auraient disparu aux yeux du pays, et auraient porté en quelque mesure la responsabilité des décisions prises en commun, contre eux sans doute, mais avec eux. Le seul moyen qu’ils auraient eu d’y échapper aurait été de sortir de l’assemblée en faisant claquer les portes : il valait mieux ne pas y entrer. C’est par un souvenir des temps déjà anciens où tous les républicains, d’accord sur les principes généraux, pouvaient délibérer ensemble sur leur application que les progressistes ont demandé à faire partie de la réunion des gauches : mais tout est changé aujourd’hui, et c’est précisément sur les principes que les républicains s’entendent le moins. Le parti est coupé en deux. Ceux-ci s’en affligent, ceux-là s’en félicitent, et nous sommes de ces derniers : quoi qu’il faille en penser, le fait est incontestable et irrémédiable. Heureusement pour les progressistes, qui ne pouvaient qu’y perdre quelque chose de leur personnalité, de leur autorité, et de leur dignité, les radicaux et les socialistes leur ont déclaré tout net qu’ils ne faisaient point partie de la « majorité républicaine, » et qu’ils ne seraient pas admis au suprême honneur de délibérer avec elle. Quelques-uns s’en sont consolés facilement ; d’autres ont poussé des cris d’indignation et de colère tout à fait disproportionnés avec l’événement. Ils ont dénoncé l’excommunication majeure dont ils étaient victimes, comme s’ils avaient été l’objet d’une injustice et si on leur avait fait un tort personnel. En réalité, on leur avait rendu service. Les journaux ont joué sur les mots pour savoir si, en excluant les progressistes de la majorité républicaine, on les avait exclus de la