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auxquelles ils ne veulent pas renoncer irrévocablement, il serait peut-être assez aisé de définir et de suivre une politique rationnelle à l’égard de la Chine. Celle-ci pourrait se résumer en deux propositions : agir énergiquement sur le gouvernement central de façon à lui imprimer la conviction de la supériorité des forces de l’Occident sur les siennes ; d’autre part, rassurer ce gouvernement sur nos intentions à son égard et se garder d’affaiblir son autorité et son prestige dans les provinces.

Cette politique est exactement le contre-pied de celle qui a été suivie depuis cinq ans. Nous venons d’esquisser les mesures qui nous paraissaient propres à faire une sérieuse impression sur le gouvernement de Pékin et, en particulier, la nécessité de laisser sous ses yeux des traces permanentes du passage victorieux des troupes occidentales. Pour assurer la durée des bons effets produits, il importerait de se montrer toujours ferme à l’avenir, et en particulier de ne jamais faire de demandes ou de réclamations pour s’en désister ensuite ou se contenter de satisfactions illusoires : tous ceux qui connaissent les Asiatiques savent que renoncer à une chose une fois demandée est un moyen certain de se faire taxer de faiblesse et bientôt mépriser par eux. Il faut donc bien réfléchir à ce qu’on tient réellement à en obtenir, puis l’exiger absolument, ce qui ne veut certes pas dire qu’il faille émettre à tort et à travers toutes sortes de prétentions qui les exaspéreraient. Ceci nous amène à la seconde partie de notre thèse.

Il est clair, que si nous, Occidentaux, exigeons du gouvernement chinois de nouvelles cessions territoriales, si nous nous immisçons dans ses affaires intérieures, nous le persuaderons, comme il l’est déjà à moitié, que nous cherchons à le détruire et que notre but final, quelles que soient les raisons pour lesquelles nous ne cherchions pas à l’atteindre immédiatement, c’est le démembrement de la Chine. Dès lors, quels que soient les hommes qui composent ce gouvernement, ils saisiront naturellement toutes les occasions favorables de se débarrasser de nous. Ce sera une question de vie ou de mort pour eux, et ils lutteront pour la vie avec l’énergie du désespoir. C’est à cause de cela que l’exemple donné par l’Allemagne à Kiao-Tchéou et suivi avec tant d’empressement par les autres puissances, la politique des cessions à bail et des sphères d’influence, a été si funeste.

Même en dehors des annexions territoriales, si l’Europe continue à demander une foule de concessions diverses, de chemins