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l’Italie de la Renaissance. Nous en verrons les conséquences ; et si, comme on le prévoit sans doute, elles s’étendront beaucoup plus loin que l’œuvre de la Pléiade, c’est là pourtant que nous allons commencer de les apercevoir.


III. LA PUBLICATION DE LA DEFENSE

Les événemens littéraires, comme les autres, sont toujours assez rigoureusement déterminés dans leurs causes lointaines et profondes : ils le sont moins dans leurs causes prochaines ; et c’est ici la part de cet inattendu qui est l’un des charmes de l’histoire. Du fond de leur collège de Coqueret, où ils continuaient d’helléniser, on ne saurait donc dire quand ni comment Ronsard, Du Bellay et Baïf se seraient décidés à sortir, si, dans les derniers mois de l’année 1548, un mince volume n’avait paru chez le libraire Corrozet, qui portait le titre de : l’Art poétique françois, pour l’instruction des jeunes studieux et encor peu avancés en la poésie françoise. L’auteur en était un avocat parisien, du nom de Thomas Sibilet[1]. L’ancienne école, celle qui se réclamait des exemples et du nom de Marot, avait-elle eu peut-être connaissance ou soupçon des propos révolutionnaires qui s’échangeaient au collège de Coqueret ? On ne sait ; mais toujours est-il que la publication de ce petit volume émut vivement les jeunes novateurs. Non que le livre ait une grande valeur ! Et, au contraire, on pourrait même dire qu’il n’en a proprement aucune. Mais, l’énumération complaisante et admiratrice des anciens genres à forme fixe, — ballade, rondeau, virelai, chant royal et « autres épisseries, » — y tenait une place considérable. Mais, des cinq espèces de rime que l’auteur y signalait à l’attention des « jeunes studieux », celle qu’il appelait l’équivoque, et qui ne consistait que dans le simple calembour, comme dans ces vers de Marot,


En m’esbattant je fay rondeaux en ryme,
Et en rymant bien souvent je m’enryme ;


parce qu’elle était « la plus difficile et la moins usitée », lui paraissait « la plus élégante. » Mais encore, s’il apportait des exemples

  1. Voyez sur ce point : Joachim du Bellay, par M. Henri Chamard, 1 vol. in-8o, Lille, 1900, Le Bigot.