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établissement, et c’était à Lyon qu’il avait toutes ses relations. Il admirait beaucoup Maurice Scève :


Scève si haut son sonna
Sur l’une et l’autre rivière,
Qu’avec son mont Fourvière,
La France s’en étonna.
Qui premier la course a pris
Pour la louable carrière,
…………………
Premier emporte le prix
Auquel tous vont aspirant…


Et, ainsi qu’on le voit, ce n’était pas seulement la primauté, mais la « priorité » qu’il revendiquait pour l’auteur de Délie, dans la carrière désormais ouverte à cette Pléiade dont lui-même, Pontus, faisait alors partie. Ce qui le caractérise, et ce qui le distingue de ses émules, ce sont précisément les deux traits que nous avons déjà vu poindre au travers des combinaisons arithmétiques de Délie : la curiosité des choses de la science ; et, si je l’ose dire, la nébulosité de son platonicisme. Il a d’ailleurs plus tard intitulé du nom de son ami l’un de ses plus savans Discours : Scève, ou Discours du Temps, de l’An et de ses parties. Aussi s’ex-plique-t-on qu’en 1551, pour ses débuts de philosophe, il ait choisi de traduire les Dialogues d’amour. L’ouvrage était depuis quinze ans célèbre en Italie, presque aussi répandu que le Courtisan de Balthasar Castiglione. Il ne l’était guère moins à Lyon, puisqu’en cette même année 1551, une autre traduction, par Denys Sauvage, venait faire concurrence à celle de Pontus. Et si ces Dialogues peuvent être appelés le bréviaire de l’amour platonique, n’est-il pas permis de supposer que Pontus et Denys Sauvage ont dû peut-être à Scève l’idée de les traduire ? Délie n’est effectivement qu’une « illustration » des théories développées dans les Dialogues d’amour, dont la première édition italienne est de 1534, et qu’on résumerait assez bien en disant qu’elles se ramènent à la formule connue : « Le beau n’est que la splendeur du vrai. »

Mais deux des Dialogues ou des Discours originaux de Pontus de Tyard, nous intéressent davantage encore : ce sont ceux qu’il a intitulés : Solitaire Premier, ou Discours des Muses et de la Fureur poétique, et Solitaire second, ou Discours de la musique. S’ils n’ont paru qu’en 1552, chez Jean de Tournes, après la