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Illustration de la Langue française et ce qu’elle soulèvera d’ardentes contradictions. Mais ils aimaient tous passionnément deux choses : la gloire et le grec. Ils avaient aussi, très vif, quoique très confus, le sentiment ou l’instinct de l’art. Très différens en cela des Lazare de Baïf et des Budé, de leur maître Daurat lui-même, — et, on l’a pu voir, de Rabelais, — ce qu’ils goûtaient de Pindare ou d’Homère, de Théocrite et même de l’obscur Lycophron, c’en était le mérite d’art. Nous disons bien : de Théocrite avec Lycophron, ou, si l’on le veut et plus généralement, de l’alexandrinisme. Les Alexandrins ont toute sorte de défauts : mais celui qu’ils n’ont certes pas, c’est d’avoir manqué d’art, si même on ne doit dire que, ce qui les caractérise dans l’histoire de la littérature, et ailleurs, c’est d’avoir, à force d’art, comme étouffé en eux la spontanéité, la liberté, la largeur de l’inspiration. En ce sens il se pourrait qu’il y eût plus d’art, — s’il y a plus de recherche et de virtuosité, des intentions plus formelles et plus définies, — dans le Laocoon que dans la Vénus de Milo. Infiniment plus curieux de la forme que du fond, c’est cette recherche d’art que les poètes de la Pléiade semblent avoir surtout appréciée de leurs modèles grecs ou latins. Ce sont des maîtres à écrire qu’ils ont vus principalement en eux. Et, si l’on voulait tirer la poésie de l’ornière où elle rampait, c’était précisément ce qu’il fallait alors. Car, pour le danger qu’ils couraient, et qu’aussi bien n’ont-ils pas tout à fait évité, de n’aboutir par ce chemin qu’à des imitations un peu froides ou un peu vides, et à une conception trop artificielle de la poésie, en tant que trop éloignée des sentimens ou des idées de leur temps, leur ambition de gloire pouvait suffire à les en préserver, leur ambition, et, de plus, une autre influence, italienne celle-ci en son principe, mais déjà et profondément transformée par le génie français. Je veux parler de l’influence de l’école lyonnaise.


II. L’ÉCOLE LYONNAISE

On exagérerait à peine si l’on disait de la ville de Lyon qu’elle était vraiment alors, pour la seconde fois dans l’histoire, autant ou plus que Paris même, la capitale intellectuelle et poétique de la France. Sa situation « en pays de frontières, ès marches des