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bientôt, dans la docte maison de Lazare de Baïf, désormais devenue la sienne, d’une singulière ardeur pour les études nouvelles. La poussa-t-il toutefois jusqu’à s’enfermer « sept ans durant, » avec Daurat et Jean-Antoine, pour y recommencer son éducation, dans les murs un peu sombres du collège de Coqueret ? C’est ce que ne se lassent pas de raconter ses biographes[1]. Ils nous le montrent, sept ans durant, « continuant à l’estude jusqu’à deux et trois heures après minuit ; » et, quand il allait se coucher, « resveillant Baïf qui se levoit et prenoit la chandelle afin de ne laisser refroidir la place. » Mais Lazare de Baïf n’étant mort qu’en 1547, et Daurat, selon toute apparence, n’étant devenu principal du collège de Coqueret qu’à la fin de cette même année, c’est de sept ans à dix-huit mois, tout au plus, qu’il faut réduire ce temps de laborieux apprentissage. On notera de plus qu’à cette date les premiers essais du poète avaient déjà vu le jour, et dans les Œuvres poétiques de Jacques Peletier du Mans, qui parurent à la fin de 1547, on trouve une Ode de Pierre de Ronsard : Des beautés qu’il voudroit en s’Amie :


Noir, je veux l’œil et brun le teint
Bien que l’œil vert le François tant adore.
J’aime la bouche imitante la rose
Au lent soleil de may desclose…
La dent d’ivoire, odorante l’aleine
A qui s’égalleroient à peine
Toutes les fleurs de la Sabée
Ou toute l’odeur desrobée
Que l’Inde richement ameine.


On trouve plus d’une chose encore dans ce mince et curieux recueil de Jacques Peletier : une traduction des deux premiers chants de l’Odyssée ; une traduction du premier livre des Géorgiques ; des Vers lyriques de l’« invention » du poète, une pièce contre Un poète qui n’écrivait qu’en latin :


J’escri en langue maternelle,
Et tasche à la mettre en valeur,
Affin de la rendre éternelle,
Comme les vieux ont fait la leur :
Et soutien que c’est grand malheur
Que son propre bien mespriser
Pour l’autruy tant favoriser…
  1. Claude Binet, Vie de Ronsard, dans le second volume de la grande édition des Œuvres ; Paris, 2 vol. in-fol., 1623. G. Buon.