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SOUVENIRS
DE LA
NOUVELLE-GRENADE

II.[1]
L’ATHÈNES DU SUD-AMÉRIQUE

Dans ma chambre de l’hôtel Europa, à Bogota, une haute et confortable pièce, telle qu’on ne s’attendrait pas à en trouver sur ces hauteurs après les gîtes rudimentaires qui m’ont abrité depuis le commencement de ce voyage. Mes compagnons décidément perdus et le premier dépaysement secoué, j’essaie de préciser, de me résumer à moi-même les toutes premières impressions qui se dégagent de cette ville curieuse ; j’ai cette présomption déjà de me demander quel peut être l’état d'âme de gens assez déshérités ou favorisés, comme l’on voudra, pour vivre à deux mille six cents mètres d’altitude et à dix-huit cents lieues du boulevard.

Donc, la sensation initiale, toute physique, celle-ci, me paraît se rattacher à l’animation particulière des voies bogotanes, à ce va-et-vient muet que produit l’absence presque totale de véhicules, à une certaine tenue générale de la foule, qui est volontiers silencieuse, vêtue de sombre, silencieuse et sombre surtout par le peuple de ses femmes, de ces mantilles, de ces jupes noires circulant avec une poésie concentrée, captivante et, pour tout

  1. Voyez la Revue du 15 novembre.