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pas par la force une ligne de conduite à l’État secouru. On regardera toujours difficilement, dans la pratique, comme un cas d’intervention prohibé par le droit des gens l’immixtion des nations occidentales dans les affaires de l’Empire, quand, sur les instances de la dynastie mandchoue, elles formèrent, il y a quarante ans, deux corps d’armée pour écraser la formidable insurrection des Taïpings. Or, si l’on veut bien se rappeler que les sociétés secrètes sont, avant tout, comme l’a très bien expliqué le comte Boni de Castellane[1], des instrumens de révolte ; que la plupart étaient hier encore acharnés contre la dynastie régnante et sont, à n’en pas douter, hostiles à l’Empereur lui-même ; que le soulèvement organisé dans le sud par Kang-you-ouci est uniquement dirigé contre la dynastie mandchoue, ou peut encore espérer que Kouang-sou, après avoir engagé spontanément le Président de la République française, dans sa lettre du 19 juillet, « à prendre l’initiative de transformer la situation actuelle, » acceptera le concours des forces internationales pour dissoudre ces associations de réformateurs ou de malfaiteurs, non pas seulement sur le papier, mais dans la réalité des faits. L’alternative est, en effet, de plus en plus claire : ou les sociétés de conspirateurs seront dissoutes, ou c’est l’Empire qui tombera lui-même en dissolution. Nous avons le droit de préférer la première solution à la seconde ; nous aurions celui d’arracher la Chine aux conséquences d’une hésitation que lui serait fatale.

Si les puissances alliées rencontrent sur leur chemin, la paix une fois conclue, des administrateurs prêts à trahir, elles doivent garder le droit d’exiger leur déplacement ou leur révocation. C’est de l’intervention, soit, puisque c’est une immixtion dans l’administration de la Chine. Mais telle est déjà la pratique. L’Allemagne a dû réclamer de la façon la plus pressante le déplacement des gouverneurs Si-Ping-Hong et Yu-Hing, qui avaient favorisé la première explosion du Chan-toung. Le vice-roi de Canton et le sous-préfet de Soui-kai nous avaient témoigné, dès les premiers mois de l’année 1899, la plus insigne malveillance : « Il est nécessaire, écrivait M. Pichon à M. Delcassé le 19 juillet, de nous montrer de plus en plus énergiques et d’opposer des actes au mauvais vouloir de la Chine. » Il obtint en effet, au prix des plus grands efforts[2], que Li-Hong-Tchang fût

  1. Voyez la Revue du 1er août 1900.
  2. Voyez sa lettre du 20 décembre 1899 à M. Delcassé