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des revenus affectés au service de l’emprunt pour l’indemnité de guerre et les autres dettes nationales. A Tien-tsin, les puissances alliées ont déjà, sous l’empire d’une évidente nécessité, tracé l’ébauche d’une semblable organisation[1].

Je me place en ce moment, qu’on le remarque, sur un terrain purement juridique et je me borne à soutenir que l’institution d’une commission internationale au siège du gouvernement n’aurait, en soi, rien d’illégitime. Mais je reconnais que nul n’est tenu d’aller jusqu’au bout de son droit et je laisse aux hommes d’Etat le soin de résoudre la question d’ordre politique : les puissances feront-elles bien d’aller jusqu’au bout de leur droit ? le peuple chinois supporterait-il cette immixtion ostensible et quotidienne dans la direction de ses propres affaires ? ne verrait-il pas, dans cette mise en tutelle humiliante, la préface du démembrement qu’il redoute ? ne le pousserait-on pas à des résolutions désespérées ?

C’est pourquoi l’on paraît avoir songé, dans les derniers jours d’octobre, à ménager l’orgueil des Célestes en décentralisant la tutelle, c’est-à-dire en établissant un fonctionnaire étranger près de chaque vice-roi ou de chaque gouverneur. Ce mode d’intervention serait tout aussi légitime et moins bruyant ; peut-être la « face » serait-elle ainsi « sauvée » pour le gros de la nation. Mais cette autre combinaison se heurterait à d’autres difficultés. Dans quelle nationalité choisir chacun de ces conseillers ? Certaines puissances ont un intérêt énorme à maintenir leur influence dans certaines provinces, par suite à s’y réserver le contrôle du gouvernement et de l’administration ; les autres seront par-là même tentées de le leur disputer. Il faudrait donc, sur la plupart des points, substituer des commissions mixtes au commissaire unique. L’entente, n’en doutons pas, serait encore plus difficile entre les membres de ces commissions disséminées

  1. « Pour maintenir l’ordre dans la ville chinoise, les autorités militaires ont organisé un corps spécial auquel toutes les puissances ont fourni un officier : la Russie, le colonel Wogack ; l’Angleterre, le commandant Bower : les Japonais, le colonel Aoki. Ces officiers ont fait preuve d’intelligence et de bonne volonté, en ce qui concerne la protection des intérêts commerciaux. » Gazette de l’Allemagne du Nord, 13 septembre. — Voyez encore, sur l’enquête organisée par la Commission internationale présidée par le général Bailloud, les télégrammes du 31 octobre. Voyez enfin les télégrammes du 4 novembre (source anglaise) d’après lesquels, les commandans alliés ne pouvant pas s’entendre sur le choix des emplacemens à occuper par leurs troupes respectives, une commission internationale est chargée de les mettre d’accord.