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Un peu plus tard, le gouvernement impérial pressa les ministres étrangers de partir sous escorte pour Tien-tsin. M. Pichon et sir Claude Macdonald pressentirent un piège et refusèrent. « Nous ne pouvons nous éloigner de Pékin, lit-on dans un télégramme de M. Pichon daté de Changhaï (9 août), que si les forces étrangères viennent nous chercher. Ces forces devraient être en nombre suffisant pour assurer la sécurité de 800 étrangers, dont 200 femmes ou enfans et 50 blessés, et de plus de 3 000 chrétiens indigènes, que nous ne pouvons abandonner au massacre. En aucun cas, une escorte chinoise ne serait admissible. » C’était bien raisonner.

Quand les alliés entrèrent à Pékin, les défenseurs des légations avaient soutenu pendant cinquante-six jours le choc des hordes chinoises ; 2 800 projectiles avaient été lancés sur le quartier étranger, 400 obus en une seule journée ! Les Européens avaient élevé de véritables fortifications, tandis que les Chinois exécutaient chaque jour des retranchemens destinés à les rapprocher des assiégés. Il ne subsistait de la légation française et de la légation italienne que quelques pans de murs percés à jour ; toutes les maisons des étrangers avaient été brûlées ou détruites. Jusqu’au dernier moment, la lutte avait été furieuse. La dépêche du ministre américain Conger, parvenue à Washington le 21 août, est éloquente dans sa brièveté : Desperate efforts were made last night to exterminate us. Le rapport du général russe Lenevitch n’est pas moins précis[1]. On entendit, en effet, pendant les deux dernières nuits du siège, les officiers chinois exhorter leurs soldats à tenter un suprême effort pour exterminer le personnel diplomatique.

Il semble que les conseillers de l’impératrice douairière aient tout fait pour séparer, par un fleuve de sang, la Chine de la communauté internationale.


IV. — RESTRICTIONS LÉGITIMES DES DROITS INTERNATIONAUX

Il est souhaitable, il est naturel qu’un Etat, une fois entré dans cette communauté, jouisse de la plénitude des droits internationaux. Mais, dans la sphère des relations internationales comme dans celle des rapports entre les membres d’une même

  1. « La légation de Russie, y lit-on, a eu cinq morts et vingt blessés. »