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vicaire apostolique du Su-tchuen oriental, écrivait de son côté : « Plus du tiers de mon vicariat est en ruines ; 8 districts sont entièrement ravagés, 15 oratoires et résidences, 12 écoles, 13 pharmacies, un hôpital, ont été pillés, brûlés, détruits ; 2 missionnaires sont prisonniers, 17 néophytes ont été massacrés, 10000 chrétiens sont ruinés, expulsés, pourchassés. » Le coup d’État de septembre 1898 et la régence de l’impératrice-douairière portaient déjà leurs fruits[1].

Désormais les ruines s’amoncellent de jour en jour ; le dénombrement des massacres et des déprédations devient impossible.

Je me borne à citer, entre autres documens, les lettres de Mgr Reynaud (3 janvier et 12 mai 1899), imprimées dans les Annales de la propagation de la foi ; la lettre du P. Marquet, supérieur de la mission du Tche-li, parvenue en France au mois d’avril 1900 et publiée par les Missions catholiques de Lyon[2] ; la lettre de M. Pichon (15 juin 1900) au commandant du détachement français[3], annonçant l’incendie de toutes les missions protestantes ou catholiques établies à Pékin et signalant « des scènes horribles ; » les récits des massacres en Mandchourie publiés par les mêmes Missions le 25 juillet et le 25 septembre 1900. C’est un projet d’extermination en masse qui s’exécute avec une persévérance implacable, tantôt sur les instructions, tantôt sous l’œil bienveillant du gouvernement central[4]. L’édit impérial du 17 septembre est le dernier mot de cette politique tortueuse et sanguinaire. C’est là que l’Impératrice ou ses conseillers mettent sur le même pied les victimes et les bourreaux, les chrétiens et les Boxers ; c’est là qu’ils introduisent une distinction savante entre les bons et les mauvais Boxers, reprochent aux chrétiens « de ne rien comprendre » et les exhortent hypocritement à reprendre sans « méfiance » leurs occupations habituelles. On apprenait en même temps à Marseille que les Boxers (peut-être de bons Boxers) avaient empalé Mgr Fantasoti, vicaire apostolique

  1. Voyez, à ce sujet, une intéressante lettre de Mgr Anzer, vicaire apostolique du Chan-toung méridional. Annales, 1899, p. 205.
  2. Elle retrace avec une grande précision les exploits sauvages des Boxers.
  3. Reproduite par les journaux du 5 et du 6 septembre.
  4. C’est par centaines ou par milliers que sont massacrés les chrétiens indigènes. (Voyez les télégrammes du 16 juillet, du 27 juillet, du 3 août 1900. En juillet, dit une dépêche de Changhaï (12 septembre), on a massacré quinze à vingt mille indigènes convertis dans les provinces septentrionales.