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d’octobre 1900, en sommant le vice-roi de Hankéou de défendre les missionnaires italiens du Chen-si, exposés à tous les périls. Le gouvernement de la troisième République n’a jamais dévié de cette politique.

Peut-être ne s’est-il heurté sur aucun autre point à de plus grands obstacles. Les mandarins, les lettrés, profitant de la corruption antique, achetant le plus souvent leurs places à l’aide de fonds avancés par des syndicats, remboursant leurs prêteurs au moyen de bénéfices illicites recueillis dans l’exercice de leurs charges, laissant à peine parvenir un tiers des recettes publiques au Trésor impérial, aggravant dans toutes les calamités la détresse populaire par leur insatiable avidité, tiennent par-dessus tout à maintenir l’Etat incapable et routinier dans son immobilité tant de fois séculaire. Ils sont donc les adversaires irréconciliables du christianisme, qui pourrait inculquer à leurs administrés une plus haute conception de leurs devoirs et de leurs droits. La lutte est d’ailleurs commode, car il s’agit de combattre le plus souvent des prêtres sans défense, souvent des enfans ou des femmes : une proie facile s’offre aux bandes innombrables de vagabonds et de pillards qui pullulent dans toutes les provinces. Enfin la religion chrétienne est celle des étrangers et peut servir à la propagation de leur influence : en la frappant, on les frappe eux-mêmes.

C’est pourquoi l’on n’afficha jamais avec une pareille insolence le mépris de la foi jurée. Quelles mains pourraient reconstituer cet ossuaire ? Par où commencer et par où finir ? C’est, en juin 1870, le massacre de Tien-tsin, à l’instigation des mandarins et des lettrés : après avoir violé neuf sœurs de charité françaises, on leur arrache les yeux, on les empale, on brûle leur maison ; l’église, les maisons des jésuites et des lazaristes sont de même incendiées après que les prêtres ont été mis à mort ; on tue du même coup le consul français Fontanier et le consul-adjoint Simon ; trois autres citoyens français et trois sujets russes sont encore assassinés. L’Empereur répond aux réclamations de notre chargé d’affaires en ordonnant (30 juin 1870) ’la punition des coupables ; mais on n’ouvre qu’une enquête dérisoire ; un des trois principaux auteurs de ce carnage siège parmi les commissaires enquêteurs. Vingt-sept ans s’écoulent avant qu’une réparation publique soit accordée[1]. Le 15 avril 1897, M. Gérard,

  1. Annales de la propagation de la foi, 1897, p. 310.