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II

Qu’allait chercher l’Europe à Pékin ? — « Des réparations pour le passé, des garanties pour l’avenir, » disait notre ministre des Affaires étrangères. Définissant d’une façon plus précise, mais conforme à ce principe, la politique de son gouvernement, M. Hay, secrétaire d’Etat de l’Union américaine, écrivait, dans sa circulaire du 3 juillet aux représentans des Etats-Unis à l’étranger, « que l’intention de son pays était de coopérer avec les autres puissances pour : rouvrir les communications avec Pékin et sauver les Américains qui s’y trouvaient ; protéger autant que possible, dans la Chine entière, la vie et les biens des Américains ; aider à prévenir la propagation des désordres dans les provinces ; enfin rechercher une solution de nature à assurer en Chine une sécurité et une paix durables, à conserver l’existence indépendante de la Chine, à permettre le libre exercice de tous les droits dévolus aux puissances par les traités ou les principes du droit international, et à sauvegarder pour le monde entier le principe du commerce égal et impartial avec toutes les parties du Céleste-Empire. » C’est bien la définition d’une politique des plus sages, ferme et modérée tout à la fois, garantissant les justes droits que peut réclamer l’Europe sans la lancer dans des aventures, et qu’on ne saurait trop se féliciter de voir suivie.

Le sera-t-elle ? Il semble qu’il y ait des chances sérieuses pour qu’il en soit ainsi. L’Europe peut vis-à-vis de la Chine tomber dans deux erreurs : un excès de dureté et d’impatience ou un excès d’indulgence. Exiger du gouvernement chinois de nouvelles cessions territoriales, des réformes trop brusques et trop profondes, d’où résulteraient soit son refus de traiter, soit, au bout de peu de temps, des mouvemens populaires et peut-être une anarchie complète, ce serait se lancer dans d’inextricables aventures, dans la nécessité d’intervenir partout pour aboutir en fin de compte au partage de la Chine avec tous les dangers qu’il comporte. Il y a peu de chance, en ce moment, pour qu’on tombe dans une pareille faute, ne fût-ce que parce que le moment est très défavorable pour une action énergique de la part des principaux compétiteurs : la Russie n’a pas achevé son Transsibérien ; elle ne peut transporter ses troupes à travers le continent ; celles qu’elle envoie d’Europe prennent encore la voie de mer et la