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fait fortune. Celle du Congrès de 1900 en faveur de la bienfaisance libre aurait peut-être fait fortune également, et ses défenseurs auraient pu s’en faire une arme dans la campagne entamée contre elle.

Il ne faut pas, en effet, se faire illusion. Un mauvais vent souffle contre la bienfaisance privée et l’atmosphère est chargée d’orages. Bientôt elle aura besoin d’appeler à sa défense les hommes de bonne volonté. Parmi ces hommes, l’auteur de cette étude tient d’avance à s’inscrire. Assurément, il ne pourra être taxé de parti pris contre l’Assistance publique, puisqu’il a rendu justice aux sérieux progrès que ce service a réalisés en France depuis vingt ans, ainsi qu’aux éminentes qualités de celui qui le dirige, puisqu’il accepte le principe de l’assistance obligatoire, et puisqu’il s’est prononcé pour la mise en application du programme tracé par le Conseil supérieur. Mais il ne saurait cependant pousser l’impartialité jusqu’à méconnaître les griefs légitimes invoqués par ceux du côté desquels il est et sera toujours de cœur et de fait. Or, on ne peut de bonne foi contester que la bienfaisance privée soit loin d’avoir à se louer des pouvoirs publics et que chaque jour elle éprouve, au contraire, les effets de leur malveillance. Il n’est pas malaisé d’en découvrir la raison.

Pendant de longs siècles, l’Eglise catholique a exercé en fait et en droit dans notre pays le monopole de la charité. Endroit, cette situation s’est modifiée. Des communautés religieuses dissidentes, comme la communauté protestante, ou profondément différentes, comme la communauté israélite, ont établi, en faveur de leurs coreligionnaires, des services généralement très bien entendus qui font le plus grand honneur au zèle et à l’intelligence de leurs fondateurs. La charité purement laïque quant à son esprit s’est également piquée d’honneur, et, non sans un peu d’apparat, elle a créé des œuvres nouvelles, dont la supériorité assez discutable est volontiers proclamée par elle. Mais, néanmoins, et malgré ces efforts dont il faut se féliciter, car la tâche à remplir est si lourde qu’il ne faut repousser aucun coopérateur, en fait, la situation a subi un changement beaucoup moindre qu’on ne pourrait le croire. En matière de bienfaisance privée, si l’Eglise catholique a perdu le monopole de droit, peu s’en faut qu’elle n’ait conservé le monopole de fait. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir le gros volume intitulé : la France prévoyante et charitable, que l’Office central des institutions de bienfaisance a publié. Non