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l’incrédulité de plusieurs de ses collègues. Pourtant on se décida à demander un petit nombre de marins pour protéger les légations au cas où il se produirait quelques troubles : après d’assez laborieuses négociations avec le Tsong-li-Yamen, 75 marins anglais, autant de Français et de Russes, 50 Allemands, 43 Américains, 40 Italiens, 30 Autrichiens, 22 Japonais, en tout 410 hommes arrivèrent à Pékin du 30 mai au 3 juin. Même alors, la grande majorité du corps diplomatique se refusait évidemment à croire à la complicité du gouvernement avec les Boxeurs, à l’imminence d’un grand péril, puisqu’on ne prenait pas la peine de renvoyer les femmes et les enfans à la côte par le chemin de fer qui fonctionnait encore librement. Chose étrange ! les deux voisins immédiats de la Chine, les puissances d’ordinaire les mieux renseignées sur ce qui s’y passe, le Japon et la Russie semblaient particulièrement tranquilles. A la date du 2 juin, une dépêche de l’ambassadeur d’Angleterre à Saint-Pétersbourg, sir Charles Scott, dit encore que le comte Mouravief le rassure au sujet de la Chine du Nord, et semble croire qu’il serait plus utile de s’occuper du Centre et du Sud.

Pourtant, quelques jours après, le chemin de fer est coupé entre Tien-tsin et Pékin : le 12 juin, l’amiral Seymour parti de Tien-tsin, avec 2000 hommes, pour rétablir les communications entre la côte et la capitale, trouve devant lui l’armée chinoise unie aux Boxeurs ; le 14, partent de Pékin les dernières nouvelles authentiques qu’on doive en recevoir pour de longues semaines, une dépêche du correspondant du Times portée par messager à Tien-tsin et télégraphiée de là ; elle relate une grave émeute anti-étrangère durant la nuit précédente ; le 15, un premier diplomate étranger, le chancelier de la légation du Japon, est assassiné à Pékin ; le 17, les escadres de toutes les grandes puissances doivent emporter de force les défenses de Takou dont les commandans veulent barrer le passage aux troupes qui vont dégager Tien-tsin, entourée elle aussi par les Chinois, comme la capitale elle-même, comme la petite armée de l’amiral Seymour.

Alors seulement les yeux de l’Europe, qui ne voulaient pas voir, sont obligés de s’ouvrir, et l’on s’aperçoit que la cour de Pékin est complètement dominée par le parti réactionnaire le plus extrême, qui signale son influence par de nouveaux changemens dans le personnel des grands postes gouvernementaux et du Tsong-li-Yamen. L’impératrice elle-même avait-elle