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LE FANTÔME

DEUXIÈME PARTIE[1]


III. — L’ÉNIGME D’UN MÉNAGE (Suite).


— Et tu me dis que tu ne sais rien, absolument rien, de ce qui a pu le pousser à une pareille résolution ?… fit d’Andiguier après un silence. C’était lui maintenant dont la voix tremblait, tant ce récit l’avait bouleversé jusqu’au fond de l’être. Quand elle avait raconté son accès de folie, et comment elle avait pris l’arme chargée par son mari, il avait lui-même, d’un geste instinctif, saisi et serré cette petite main, et il continuait de la presser, jusqu’à lui faire mal, en interrogeant : — Quand vous vous êtes retrouvés, ce matin, après cette terrible nuit, il n’a pas éprouvé le besoin de tout te raconter, de te demander pardon, de tout effacer ?… Non, puisque tu ne sais rien. Mais, quand on ne sait rien, on imagine. Avant d’en arriver à cette affreuse scène, vous en avez traversé d’autres, qui la préparaient, et qui ont dû te faire réfléchir… Enfin, qu’y avait-il eu entre vous auparavant ?…


— Je voudrais vous l’expliquer, dit Éveline, après un silence, où elle semblait chercher à rassembler ses idées, et je vous répète que c’est si difficile… Ce malaise, cette anxiété où nous sommes vis-à-vis l’un de l’autre, Étienne et moi, depuis notre mariage, comment vous les rendre palpables ?… Non, il n’y a pas eu de scènes entre nous. Il n’y a pas eu de faits. Du moins

  1. Voyez la Revue du 1er Décembre 1900.