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imposer à la Chine ! On n’a pas voulu interroger les amiraux sur le nombre d’hommes nécessaires à une expédition, et on a presque laissé à la discrétion des ministres le soin de fixer entre eux les bases de la paix ! Le moindre inconvénient de cette manière de procéder était le temps perdu, ce qui ne veut pas dire qu’il ne fût pas très appréciable : mais il y en a eu de plus graves. Le milieu psychologique dans lequel se trouvent nos ministres en Chine n’est pas le même que le nôtre, celui des cabinets en Europe, au Japon ou en Amérique. Et comment s’en étonner ? Quelque intérêt que nous ayons pris au sombre drame de Pékin, quelque émotion que nous en ayons ressentie, quelque angoisse que nous en ayons éprouvée, nous sommes loin du théâtre encore fumant où les faits se sont perpétrés ; nous pouvons dès lors mieux conserver notre sang-froid ; et, s’il arrivait à certains gouvernemens, ou aux hommes qui les dirigent, de se laisser entraîner hors des limites que la prudence conseille, l’allure générale ne manquerait pas de les retenir ou de les faire rentrer dans le chemin commun. Les gouvernemens sont mieux à même que leurs ministres en Extrême-Orient d’apprécier ce qu’il convient de faire, et, dans tous les cas, de l’arrêter : voilà pourquoi nous éprouvons des craintes toutes les fois que la direction politique leur échappe, fût-ce partiellement et provisoirement. Il y a plusieurs degrés de différence entre la chaleur morale du thermomètre politique, lorsqu’on le consulte à Pékin d’une part, ou, de l’autre, à Londres, à Paris, à Berlin, à Tokio, à Washington et dans les autres grandes capitales. Et, si rien n’est plus justifiable que cette différence, encore exige-t-elle certaines précautions.

Dans le discours qu’il a prononcé à la Chambre, M. Denys Cochin a dit quelque chose de tout cela ; il aurait pu y insister encore davantage. Il a approuvé les six propositions de M. Delcassé ; nous les approuvons comme lui, et même si complètement que nous regrettons les modifications ou les déformations qu’elles ont subies en Chine sur certains points, en particulier sur le plus important de tous, celui qui se rapporte aux châtimens à infliger aux principaux coupables des massacres et des incendies. En disant qu’ils seraient désignés par les représentans des puissances, M. Delcassé avait déjà dit beaucoup : il y avait péril à dire plus. Cependant les ministres à Pékin n’ont pas hésité à le faire : ils ont fixé d’avance le nombre des personnes sur lesquelles devait s’exercer la vindicte de la civilisation, et ajouté que la peine encourue par elles ne pouvait être que la mort. Soit ; mais fallait-il le dire dès aujourd’hui et dans ces termes ? On