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reconnus qui s’est aussitôt consolé de les avoir vu violer, et il a accordé au gouvernement tous les bills d’indemnité que celui-ci sollicitait. M. de Bulow doit trouver qu’il est bien facile de conduire un parlement : il suffit, du moins en Allemagne, de lui répéter toujours qu’il a raison. Après cela, le gouvernement fait ce qu’il veut, s’il n’a pas pris la précaution de le faire avant. En Angleterre, on ne réunit pas le Parlement du tout. En France, il se contente d’explications très générales sur les affaires de Chine, et nous ne critiquons pas sa réserve. Ces affaires, toutefois, vont assez mal. Elles se compliquent à l’excès et, dans les deux mondes, on commence à se demander avec ennui comment on en sortira. Cela tient à des causes nombreuses, dont nous voudrions indiquer les principales.

Le 30 septembre dernier, M. Delcassé adressait aux puissances une note dans laquelle il énonçait six propositions, qu’il leur soumettait. On a trouvé partout que les propositions de M. Delcassé étaient fort sensées ; et plusieurs puissances avaient d’autant moins de peine à l’avouer qu’elles pouvaient y reconnaître souvent leurs propres pensées. Cela venait de ce que notre ministre s’était contenté, comme il l’a dit lui-même, de rédiger et de coordonner les opinions courantes, déjà esquissées par tout le monde, mais sans avoir encore reçu de personne une forme définitive. Il a essayé, sinon de leur donner cette forme, au moins de dresser, en se servant d’elles, un canevas sur lequel on pourrait discuter. Certaines puissances ont présenté quelques observations ou réserves, mais, sur le fond, elles ont toutes été d’accord, ou elles ont paru l’être. Dès lors, pourquoi ne s’en est-on pas tenu là ? Il y avait une si grande urgence à entamer les pourparlers avec les négociateurs chinois, qu’on ne pouvait pas sans inconvénient, après avoir perdu tant de semaines et de jours, en perdre encore davantage. On aurait compris un rapide échange de vues entre les cabinets, et tout porte à croire qu’au bout de peu de temps toutes les difficultés auraient été dissipées. Certains cabinets, à la vérité, disaient avoir besoin de prendre, sur quelques points de fait, l’avis de leurs représentans diplomatiques ou militaires en Extrême-Orient ; mais, avec le télégraphe, cela pouvait se faire très vite, et l’ouverture des négociations ne semblait pas devoir en être retardée d’une manière très sensible.

Il n’en a malheureusement pas été de la sorte. Soit que les gouvernemens ne fussent pas très sûrs d’eux-mêmes, soit qu’ils n’eussent pas tous une égale volonté d’aboutir sans nouveau retard, ils ont repassé l’affaire à leurs ministres à Pékin, et ceux-ci se sont immédiatement