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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.


La France, de l’aveu même des journaux anglais, s’est honorée par la réception qu’elle a faite au président Krüger. Dans cet homme, sacré par le malheur, dont les foules qui l’ont acclamé ignorent à peu près tout et ne connaissent que le nom, elle n’a vu que ce qu’il représente, à savoir une nationalité petite par le nombre, mais indomptable par le courage, qui, depuis plus d’une année, défend obstinément son existence dans la lutte la plus inégale peut-être dont l’histoire offre l’exemple. Voilà ce qu’a vu la foule, et cela a suffi pour lui inspirer l’enthousiasme le plus ardent et le plus sain.

Ceux qui réfléchissent davantage ont vu quelque chose de plus. Ils se souviennent que tout l’effort du siècle qui s’achève a été consacré à l’affranchissement, à la reconstitution, à la résurrection des nationalités. Que de sang n’a-t-on pas répandu à la poursuite de tant de rêves, dont quelques-uns ont été réalisés ! Ce que les penseurs, les orateurs, les poètes même avaient donné comme but à la politique des gouvernemens, ceux-ci l’ont souvent adopté et parfois accompli. Et si, dans cette marche généreuse vers ce qu’on regardait comme le progrès de l’humanité, la France s’est trouvée au premier rang, l’Angleterre, il faut le dire, a été presque toujours à ses côtés. Le langage que nous tenons encore aujourd’hui, elle le connaît, car elle l’a parlé avec nous. Les sentimens auxquels nous obéissons, elle ne peut pas les désavouer tout à fait, car ce serait méconnaître sa propre histoire. Elle s’est peu compromise, sans doute, dans la lutte pour les nationalités ; mais elle s’y est constamment intéressée, et si la France en a été le soldat, elle en a été le diplomate. Qui se serait attendu à la voir clore le XIXe siècle par cette page sanglante, qu’elle continue d’écrire