Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

irlandais, et ordonne qu’un mandat leur soit accordé, à condition par eux de donner des garanties, leur permettant de se rendre en Irlande, d’y prendre, dans le délai de deux mois, 400 enfans et de les transporter aux colonies. — 14 septembre 1653. Le capitaine John Vernon, au nom des commissaires de l’Irlande, passe avec MM. Leader and C°, de Bristol, un contrat par lequel il s’engage à leur remettre 250 femmes de race irlandaise âgées de plus de douze ans et de moins de quarante-cinq ans, et 300 hommes de plus de douze ans et de moins de cinquante, pour être transportés dans la Nouvelle-Angleterre. » Apres au gain, très durs pour eux-mêmes, Anglais jusque dans les moelles, respectueux en eux de la pureté de leur sang et profondément convaincus qu’ils étaient « un peuple élu de Dieu, » les puritains de la Nouvelle-Angleterre se félicitaient sans doute, en voyant débarquer ces chargemens humains, de l’occasion qui leur était offerte d’en « faire des Anglais et des chrétiens. » C’est un trait de caractère ! Tout bon Anglais estime, non-seulement qu’il n’y a rien au-dessus d’un bon Anglais, mais il est convaincu que les autres peuples ne se consolent pas de n’être pas Anglais ; et, — n’en avons-nous pas la preuve sous les yeux ? — que des milliers de Boers se soient fait massacrer plutôt que de devenir Anglais, c’est, littéralement, ce que l’Angleterre de 1900 ne comprend pas encore ! En tout cas, et c’est ici principalement ce qui nous intéresse, ni le Massachusetts, ni le Connecticut, en 1776, n’étaient peuplés uniquement d’Anglais ; mais les Irlandais ou descendans d’Irlandais n’y devaient guère être moins nombreux que les Anglais eux-mêmes : et, si les sangs celtique et anglo-saxon ne s’y étaient peut-être pas intimement mélangés, ils y coulaient l’un à côté de l’autre depuis plus de cent ans.

Continuons notre voyage, et du Connecticut passons dans le New-York, qui lui est limitrophe. Ici, c’est un autre sang qui domine, et ce ne sont point des Anglais qui ont fondé l’Etat-Empire, comme on l’appelle, ni la ville de New-York, ni celle même d’Albany : ce sont des Hollandais, mêlés eux-mêmes de Wallons, entre 1620 et 1630 ; et ce sont des huguenots français. Aussi bien quelques parties de la ville ont-elles conservé jusque de nos jours l’empreinte originelle, et je me rappelle fort bien que rien au premier abord ne me frappa davantage à New-York : il était sept ou huit heures du matin ; un soleil printanier se levait dans la brume ; nous marchions à l’aventure, avec, si je l’ose dire, encore