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de leur roi et de leur pays, » les fondemens de ce qui devait, en deux siècles et demi, devenir la république des États-Unis ; et, — nous n’en doutons pas, ni M. de Nevers non plus, — à mesure que l’Amérique s’éloignera de ses origines, ce n’est pas assez de dire que la mémoire lui en deviendra, d’âge en âge, plus chère, mais l’humanité tout entière admirera dans cet épisode l’un des plus éloquens symboles de ce que peuvent tout seuls, sans aucun des secours que l’on croit nécessaires au succès, la foi, le patriotisme et l’énergie de la volonté. Disons-le donc comme lui, sans détour ni réticence, et au risque de provoquer la raillerie des dilettantes ou l’invective des énergumènes : ce sont là d’autres exemples que celui des « vainqueurs de la Bastille ; » et ce sont d’autres modèles d’énergie que ceux que de petits Machiavels, de tout petits Machiavels, font profession parmi nous d’admirer dans la personne d’un Sigismond Malatesta ou d’un Castruccio Castracani ! Mais, après cela, les pèlerins du Mayflower ne sont pas les seuls, ni les premiers même, qui aient pris pied sur le sol d’Amérique. Leur influence a été grande, mais d’autres influences ont dû contre-balancer la leur. Puisqu’on l’oublie généralement, c’est ce que l’auteur de l’Ame américaine a cru devoir mettre en lumière ; et nous, pour nous en rendre compte, nous n’avons, à sa suite, qu’à prendre une date, celle de la guerre de l’Indépendance, 1776, — et qu’à consulter une carte des États-Unis.

En 1776, la population des colonies anglaises de l’Amérique du Nord, — c’était toujours le nom sous lequel on désignait officiellement les treize États signataires de la Déclaration d’indépendance, — s’élevait à 2 millions d’habitans, sans les nègres, dont le chiffre était approximativement de 500 000. Mais il s’en fallait de beaucoup que ces 2 millions de blancs fussent tous de race anglaise, de souche anglo-saxonne, et, même dans les États de la Nouvelle-Angleterre, s’il n’y avait pas d’esclaves noirs, il semble bien qu’il y en eût de blancs, — je dis de vrais esclaves, — et d’une autre origine que leurs maîtres, des Irlandais ou des Allemands. C’est du moins ce que l’on peut conclure de quelques textes cités par M. Edmond de Nevers et empruntés aux archives coloniales : « 6 septembre 1653. Sur pétition de David Shellock, de Boston, marchand, le Conseil d’Etat autorise Georges Dalle et Thomas Swanley à passer dans la Nouvelle-Angleterre et dans la Virginie, où ils ont l’intention de transporter 400 enfans