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quelles à notre histoire européenne. Il subsistera toujours d’essentielles différences : un Allemand contemporain de M. de Bismarck ne ressemble guère à un Germain du temps d’Arminius. Mais on aura pourtant avancé d’un pas la question. Elle ne se posera plus tout à fait, même en Europe, de la même manière. Et qui sait si peut-être le résultat final de l’expérience américaine, dans les conditions relativement pacifiques, — je dis « relativement » et on va bien le voir, — où elle s’est accomplie, n’aura pas pour effet d’enlever quelque jour aux compétitions de race ce qu’elles ont eu dans le passé, ce qu’elles ont encore, et même chez nous, en Europe, de moins humain qu’animal, à vrai dire, et de sanguinaire en leur animalité ?


II

« On attribue généralement aux passagers du Mayflower une influence plus grande que celle qu’ils ont exercée sur les destinées de la Nouvelle-Angleterre, mais les circonstances qui ont accompagné leur départ et leur arrivée dans la baie de Plymouth, les engagemens solennels par lesquels ils se sont liés en présence de Dieu, donnent à la première page de l’histoire des colonies anglaises dans l’Est de l’Amérique un cachet romanesque qui lui manquerait sans cela. » Ainsi s’exprime M. Edmond de Nevers ; et, un peu plus loin, il fait observer avec raison que le caractère commun de la plupart des écrits que nous ayons sur les Etats-Unis est d’en avoir longtemps réduit toute l’histoire à celle des colonies de la Nouvelle-Angleterre. Ce n’est pas qu’il n’y en ait d’assez fortes raisons, et ce n’est pas surtout que M. Edmond de Nevers méconnaisse ce qu’il y eut d’héroïque autant que de romanesque, — les deux choses, quelquefois, vont assez bien ensemble, — dans l’aventure des pèlerins du Mayflower. Le 20 novembre 1620 est une date à jamais mémorable dans l’histoire de l’humanité. Exilés par la persécution religieuse, mais invinciblement fidèles au souvenir de la patrie qu’ils avaient dû quitter, et craignant que leur postérité ne perdît en Hollande, où ils s’étaient réfugiés d’abord, « tout intérêt dans la langue et dans la nationalité anglaises, » c’est en effet ce jour-là qu’une centaine de paysans et d’ouvriers, ou, comme on disait autrefois, de pauvres valets laboureurs de bras, jetèrent « pour la gloire de Dieu, l’avancement de la foi chrétienne et l’honneur