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étaient de nature à faire penser que l’Impératrice douairière elle-même avait été calomniée par ceux qui la représentaient comme un adversaire irréconciliable des idées occidentales. Sous tous les rapports, les perspectives d’avenir paraissaient encourageantes en Chine au commencement de 1900. On ne pouvait évidemment compter sur un changement analogue au gigantesque mouvement de réforme qui a transformé le Japon ; mais on semblait en droit de prévoir un développement économique assez rapide, une mise en valeur graduelle des ressources de la Chine, sans grande résistance de la part des indigènes, et une amélioration sérieuse des rapports entre les étrangers et les autorités chinoises. Sans doute on signalait bien, de-ci de-là, quelques attentats contre les Européens, quelques troubles suscités notamment dans le Chan-toung par les affiliés d’une société plus ou moins secrète, dite des Boxeurs ; on se plaignait de l’insuffisance des mesures prises par les autorités à l’endroit de ces Boxeurs, voire de la sympathie que leur témoignaient certains mandarins. Mais de pareils désordres sont chroniques en Chine ; il n’y avait pas lieu, à première vue, de croire ceux du Chantoung plus graves que ceux qui avaient été assez vite apaisés, en 1898 et 1899, dans la vallée du Yang-tse et dans les deux Kouang ; d’ailleurs il n’eût pas été raisonnable d’espérer que l’attitude des fonctionnaires se modifiât du jour au lendemain. En somme, les apparences semblaient donner raison l’hiver dernier aux prévisions des optimistes.

Elles viennent d’être cruellement démenties par les faits. Avant que ne fût écoulée la moitié de cette année 1900 qui semblait commencer sous d’heureux auspices, la faction la plus réactionnaire l’emportait à la cour de Pékin ; sous son inspiration, l’un des ministres européens était assassiné, les envoyés de tous les pays du monde assiégés dans leurs légations par l’armée régulière unie aux adhérens fanatiques des sociétés secrètes ; les troupes étrangères débarquées en toute hâte pour venir au secours des victimes de ce monstrueux attentat devaient prendre d’assaut les forts de Takou et livrer autour de Tien-tsin de sanglans combats à l’armée chinoise qui leur barrait la route de la capitale ; des milliers de chrétiens indigènes, des centaines d’Européens, missionnaires ou ingénieurs, étaient massacrés dans les provinces avec la complicité avouée, sinon sur l’ordre même des autorités. Jamais encore l’Homme malade de l’Extrême-Orient n’avait eu de crise si furieuse ! Quels remèdes va-t-on bien pouvoir lui appliquer et