Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/667

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à la fureur, à l’égard de ministériels. En vain M. Jaurès, lors du vote de la sentence de M. Kautsky, s’était rallié à un amendement déclarant que tout ministre socialiste devait s’engager à faire observer la neutralité, en cas de grève, c’est-à-dire à écarter les troupes. En vain M. Viviani jetait les gendarmes devant ces conseils de guerre dont ses amis se sont efforcés de ruiner l’autorité : stériles efforts ! Au nom des grévistes de l’Est on a crié à M. Jaurès : « Vos amis ne sont pas les nôtres. » On a demandé au Congrès un vote de flétrissure contre les auteurs des « massacres de Chalon » et leurs complices, en accusant M. Millerand de cette complicité. — Un orateur est venu raconter ironiquement à la tribune les bonnes paroles dont M. Millerand fut prodigue, ses conseils de prudence et de mystère. Ces adversaires ouvriers n’étaient sans doute au Congrès qu’une minorité, mais ils laissaient pressentir la pierre d’achoppement du socialisme ministériel. S’il contient les grèves, il soulève contre lui la population ouvrière ; s’il leur laisse libre cours, le mouvement pourrait prendre, comme dans le Doubs, une allure révolutionnaire et les déborder. C’est une question de savoir si le socialisme politique, qui s’embourgeoise de plus en plus, et le socialisme ouvrier, de plus en plus affranchi, de plus en plus pénétré de l’esprit de classe, pourront marcher longtemps d’accord.


J. BOURDEAU.