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le calcul, plus encore que l’amour maternel, avait dicté à Marie de Médicis ; mais l’effet de ce langage était affaibli par les résolutions agressives qui s’y mêlaient et par l’expérience, tout récemment renouvelée à Compiègne, des faux-fuyans par lesquels cette princesse se dérobait aux transactions fermes, aux solutions nettes qui doivent être le prix de concessions successives. Il n’y avait aucune sûreté, on le savait, à traiter avec elle, parce que le système du tout ou rien était son système, et que rien ne pouvait jamais la satisfaire que le triomphe de son idée fixe. Or l’idée fixe pour elle, en ce moment, c’était la ruine de Richelieu. Sa lettre du 5 août n’obtint même pas de réponse écrite.

Dans celle qu’elle écrivit au roi, de Bruxelles, le 20 décembre 1631, et dont nous attribuons également la rédaction à Chanteloube, elle ne changea pourtant pas de terrain. Le ton en fut seulement fort différent. Ce n’est plus une effusion maternelle appelant en retour une effusion filiale, ce n’est plus une scène attendrissante de famille à la veille de s’accomplir et dont le cardinal va faire les frais. C’est toujours une mère qui parle, mais cette fois une mère outragée plutôt que tendre, une mère qui remplit un devoir en ouvrant les yeux de son fils sur les progrès inquiétans de la grandeur du ministre ; c’est aussi une reine indignée de l’attentat commis contre le droit public européen par la saisie de son douaire et de ses biens. Même intransigeance, d’ailleurs. Elle est poussée si loin, que la reine répudie d’avance toute négociation avec son ennemi. Cet ennemi une fois chassé, une fois condamné par la justice à la requête de sa royale victime, elle ne met à son retour auprès du roi aucune condition ; elle ne demandera même pas la révocation des créatures du ministre dont elle a aussi à se plaindre ; elle bannira de son service tous ceux qui peuvent déplaire au roi ; elle y fera entrer tous ceux qu’il lui désignera ; elle n’aspire qu’à vivre en simple particulière auprès de lui[1].

Jusqu’ici l’interprète officiel de Marie de Médicis s’était contenté de faire valoir en faveur de sa maîtresse et contre Richelieu deux ordres de considérations : d’une part, la persécution exercée par un parvenu sans mérite et de petite naissance contre la veuve de Henri IV, contre la mère du roi et la belle-mère de trois princes souverains, contre la régente du royaume, contre

  1. Pièces curieuses en suite de celles du seigneur de Saint-Germain.