Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de faux-fuyans et de contradictions. Chaque promesse est un leurre, chaque mot cache un piège. Le gouvernement central arme les Boxers et favorise leurs sanglans méfaits ; mais il feint de les combattre et charge ses troupes de les poursuivre à la condition qu’elles ne les poursuivront pas. Il écrit aux puissances étrangères que les Boxers attaquent malgré lui les Légations et dirige contre elles les canons Krupp de l’artillerie impériale. Il prend officiellement les ministres étrangers sous sa protection, mais cherche à les perdre en les envoyant à Tien-tsin ; il feint de les nourrir et les affame ; de les secourir et les traque comme des bêtes fauves. Il désavoue les Boxers vaincus, mais est prêt à recueillir, s’il y a lieu, les fruits de leurs victoires. Il perd, à force de mentir, jusqu’au droit de dire la vérité !

Tant de mauvaise foi donne à penser que la conscience juridique de ce peuple n’est pas encore formée.

L’égalité des États souverains est un principe essentiel de droit public. La dimension des territoires importe peu. La communauté internationale des peuples civilisés attribue les mêmes droits aux plus faibles qu’aux plus puissans d’entre eux, et leur impose les mêmes devoirs. C’est une maxime élémentaire que les Chinois ne peuvent pas ou ne veulent pas comprendre.

En 1793, lord Macartney se rendit à Pékin en qualité d’ambassadeur ; mais les Célestes profitèrent de son ignorance pour inscrire sur sa voiture en chinois cette phrase : « ambassadeur apportant le tribut du royaume d’Angleterre, » et la « face » fut ainsi sauvée. Un autre ambassadeur anglais, lord Amherst, partit en 1816 ; mais, comme il ne voulut pas se soumettre aux formalités d’une étiquette dégradante, il ne fut pas reçu par l’Empereur ; bien plus, comme il rentrait à Canton sans avoir rempli sa mission, on ferma le port aux navires de guerre qui venaient le chercher, et les officiers anglais durent forcer le passage en bombardant les forts de Bocca-Tigris. Le 3 juillet 1840, une embarcation de la frégate la Blonde s’était avancée vers Amoy avec un pavillon parlementaire pour remettre à l’autorité supérieure de cette ville une lettre de lord Palmerston adressée au cabinet de Pékin, avec prière de la faire parvenir à destination : cette lettre fut renvoyée. La même lettre fut renvoyée de la même manière par les autorités supérieures de Ning-Po. C’est alors qu’une partie de la côte chinoise entre Ning-Po et l’embouchure du Yang-tze-kiang fut bloquée par l’escadre de S. M. britannique. En mai 1841, une