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et supérieures aux traités, non moins absolues que les lois du monde physique. C’est ce qu’avait clairement aperçu l’Institut de droit international lorsqu’il inscrivit, dans un de ses premiers programmes, la question suivante : « Dans quelles limites et à quelles conditions le droit international non écrit de l’Europe est-il applicable aux nations orientales ? »

Avant tout, la communauté internationale des peuples civilisés doit exiger de ses membres un certain degré de bonne foi. M. Adolphe Barrot écrivait ici même, le 1er juin 1842 : « La nation chinoise remplace par une habileté sans exemple ce qui lui manque d’expérience des choses militaires. » Mais l’habileté sans exemple des diplomates chinois ne trompe aujourd’hui personne et devient, en maintes circonstances, le comble de la maladresse. En tout cas, le mensonge systématique est un dissolvant de la communauté ; non seulement parce qu’il est destructif de toute moralité internationale, mais parce qu’il jette un trouble profond dans tous les rapports et lèse à tout moment les plus grands intérêts de l’association. Personne n’a dépeint d’une façon plus éclatante ce vice odieux de la société chinoise que le Prince de Joinville signalant dans son article du 1er juin 1857 le mensonge comme « l’essence » du gouvernement chinois, ce mensonge qui, selon une doctrine politique confirmée et appuyée par la doctrine religieuse, n’a rien de déshonorant, les pouvoirs publics propageant dès lors hardiment et presque consciencieusement ce qu’il y a de plus faux dès qu’ils y trouvent leur avantage, les fonctionnaires eux-mêmes ne se faisant aucun scrupule de tromper l’autorité supérieure s’ils peuvent éviter de passer pour malhabiles. Les publicistes contemporains sont à peu près unanimes à reconnaître que la Chine, à ce point de vue, n’a pas changé depuis un demi-siècle.

On a tenté parfois d’excuser la duplicité chinoise en insinuant qu’il faut prendre les Célestes tels qu’ils sont, sans leur imposer notre propre idéal. Ils ne se soucient que de « sauver la face, » c’est-à-dire de substituer la forme au fond et les convenances à la loyauté. Mais il ne s’agit pas d’inculquer à des Orientaux un préjugé local, une manie particulière aux « nations de l’Occident. » Le préjugé local, c’est de transformer la morale en un code d’étiquette. Depuis que le monde existe, l’homme sait discerner le vrai du faux ; pour toutes les branches de la race humaine qui ne se sont pas appliquées à dégrader en elles-