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LE FANTÔME.

l’hiver dans le Midi, à Hyères, à cause de la santé d’une de ses cousines qui n’arrivait pas à se remettre d’une mauvaise bronchite. Mlle  Duvernay avait alors près de vingt et un ans, et depuis quelque temps déjà d’Andiguier s’attendait à apprendre qu’un projet de mariage se dessinait pour elle. Il aurait donc dû y habituer sa pensée. Il savait d’autre part, pour en avoir causé plusieurs fois avec Mme  Muriel, que celle-ci était très décidée à laisser sa nièce entièrement libre de son choix. Quand Éveline lui avait écrit qu’elle était engagée à M. Étienne Malclerc, il était par conséquent bien sûr qu’il ne s’agissait pas là d’une union forcée comme avait été celle de sa mère. Il ne s’agissait pas non plus d’une captation de dot. La comtesse Muriel, en lui écrivant de son côté, lui avait donné de ces fiançailles le compte rendu le plus simple du monde, le moins fait pour provoquer la défiance. M. Étienne Malclerc avait trente-cinq ans. Il appartenait à une très bonne famille de grands propriétaires franc-comtois, et sa fortune, sans égaler celle de Mlle  Duvernay, était considérable. Il passait l’hiver dans le Midi, lui aussi, pour sa santé, et, après avoir essayé de Nice qui s’était trouvé trop bruyant à son goût, il était venu à Hyères. Il avait rencontré Éveline. Il s’était fait présenter. Mme  Muriel, le voyant assidu auprès de sa nièce, et constatant que celle-ci s’intéressait à lui, avait pris des renseignemens, non seulement de fortune et de position, mais de caractère. Ils s’étaient trouvés de nature à ne permettre aucune objection, lorsque Malclerc avait fait sa demande, et qu’Éveline, consultée, avait répondu : oui. Il n’y avait certes rien d’extraordinaire dans de telles fiançailles. Elles avaient été un peu rapides, puisque Mme  Muriel avait emmené Éveline dans le Midi au milieu de novembre et que, par suite, la jeune fille n’avait guère pu connaître Malclerc plus de quatre mois. Mais c’était si naturel que, placée dans des conditions un peu anormales, elle se fût décidée plus vite qu’une autre. D’ailleurs, combien de mariages se concluent dans des périodes plus courtes et sont heureux ! Éveline, qui entretenait une correspondance régulière avec son vieil ami, lui avait mentionné plusieurs fois le nom de Malclerc parmi d’autres, dans la chronique de sa petite vie mondaine d’Hyères, sans jamais lui parler de ses sentimens naissans. N’était-ce pas bien naturel aussi ? D’Andiguier ne savait-il pas que, sur ce point encore, elle ressemblait à sa mère, et, comme cette mère le disait jadis, que plus elle était remuée, plus elle se