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principes sur lesquels tout le monde est d’accord, celui de l’intégrité territoriale de la Chine et celui de la porte ouverte ? Soit : mais, si tout le monde est d’accord sur ces deux principes, pourquoi avoir conclu un arrangement spécial avec une seule puissance, en vue de leur donner une consécration nouvelle dont ils n’avaient pas besoin ? Nous n’insisterons pas. Aussi bien est-ce du compliment que lord Salisbury a adressé aux États-Unis que nous voulons parler aujourd’hui ; il a été, surtout venant d’une telle bouche, prodigieusement expressif. Tout ce qu’avaient écrit les journaux n’est rien à côté de ce qu’a dit, avec son autorité propre, le premier ministre de la Reine. Il a déclaré se réjouir du succès de M. Mac Kinley tout autant que pouvait le faire l’ambassadeur américain assis à ses côtés, parce qu’il y avait là un triomphe pour la civilisation tout entière et pour l’honneur national. Comment n’être pas sensible à de telles paroles ? On le sera sûrement en Amérique. Jusqu’où la satisfaction éprouvée pourra-t-elle entraîner un grand pays, qui aime sans doute à être traité avec la considération qu’il mérite, mais qui fait passer avant tout le souci de ses propres intérêts ? Nous l’ignorons : mais, certes, lord Salisbury connaît la valeur, ou plutôt la puissance de séduction des paroles qu’il s’est plu à employer. Il a sans doute fait plus en quelques mots que M. Chamberlain avec de longs discours.

Le sien, — nous parlons toujours de celui qu’il a prononcé au banquet du Lord-Maire, — s’est terminé par des considérations un peu inattendues, un peu pessimistes, un peu obscures aussi, sur la nécessité pour l’Angleterre, non seulement de conserver, mais d’augmenter sa force militaire. « Je pense, a-t-il dit, que la seule chose que nous devions avoir présente à l’esprit, c’est que les gouvernemens étrangers qui ont des intentions pacifiques, non seulement en apparence mais en réalité, peuvent être renversés par des élémens violens, turbulens, ou simplement ignorans. Nous ne saurions être jamais certains qu’un gouvernement ne cédera pas le pouvoir à des classes peu éduquées ou peu éclairées. La morale de cette situation est que nous devons nous tenir toujours sur nos gardes, quelque pénible que soit le fardeau qui doive en résulter pour nous. Nous devons toujours penser à la défense du pays. Il y a bien des problèmes sociaux qu’il sera du devoir du Parlement d’étudier. Mais, par-dessus tout, domine cette considération suprême, qu’aucune réforme n’aura la moindre valeur tant que nous ne serons pas complètement garantis contre le danger d’une intervention extérieure. Les progrès de notre industrie dépendent avant tout de l’état de nos défenses : ils sont