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côté les bouillonnemens d’ocre, se colle de l’autre à la paroi sonore formée de graviers, de bancs de graviers d’une épaisseur prodigieuse, serrés, cimentés et agglomérés aux âges antédiluviens, par l’eau, la chaleur et les agens dynamiques. Une muraille de sable, aurifère comme tout le fond détritique de cette vallée, et suspendue, sans étais. Puis la taille recule un peu, la vue s’élargit et le train stoppe enfin dans une fournaise, une gare minuscule chauffée à blanc par le soleil, au creux d’un cirque de montagnes roussâtres, pelées, moroses à force d’être lumineuses.

Honda ! Petite ville blanchâtre que domine ce solennel paysage désolé ! Les Espagnols la nommèrent bien d’un adjectif qui signifie : la profonde. Ce qui, instantanément, vous saisit, c’est cet excès, cette mélancolie de la réverbération. De tous côtés, l’on n’aperçoit que les roides hauteurs rapprochées, que les trois profils de croupes rugueuses qui y dévalent ; et, tassée dans leur aride cuvette, l’aire libre se creuse encore des ravins de deux fleuves ; car c’est ici qu’à deux pas de son pont de fer, se rue au fleuve déjà si menaçant, le cours rouge et tumultueux du Guali. Ce confluent, ces eaux limoneuses qui descendent de Neiva et des Cordillères blanches, ce torrent couleur de brique qui arrive du pays des mines en bondissant sur des roches énormes avec sa chanson éternelle, cette brèche encaissée du Magdaléna dans des rives de cailloux, enfin ces escarpemens d’alentour, dépouillés, pierreux, d’une couleur à la fois fauve, et rose, et violacée, tout cela donne à Honda un aspect de cataclysme, un caractère déchiré, lugubre et attirant.

L’air brûle parmi la lourde splendeur du zénith ; les lents cercles noirs des vautours se coupent les uns les autres. Et midi, de plomb perpendiculaire, écrase cet amoncellement de galets gris et de chaux blanches.

Des urubus, des monts roses, des murs neigeux et des pierres. Les choses, l’atmosphère même qui circule entre ces contreforts des Andes, revêtent une nuance ardente et violette.

Enfin il y a, çà et là aussi, des ruines, des murs restés debout par miracle, des embrasures vides de portes et de fenêtres, d’antiques maisons dont le toit s’est effondré. Dramatiques décombres de ce tremblement de terre de 1805 qui bouleversa la ville si florissante alors et, en une nuit, engloutit, assure la chronique locale, six à sept mille de ses habitans.

Du reste, il fait un peu rêver, avec sa face de chaos, ce boyau