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LE POÈTE NOVALIS



Novalis, der Romantiker, par Ernest Heilborn, 1 vol. ; Novalis Schriften, 3 vol. ; Berlin, librairie Reimer, 1900.



Dans son livre De l’Allemagne, — qu’il paraît avoir écrit surtout pour déprécier, aux yeux du lecteur français, les poètes allemands ses confrères, — Henri Heine consacre à Novalis un petit chapitre dont on a vanté souvent la piquante et gracieuse ironie. Après avoir dit que « le véritable nom de ce poète était Hardenberg, » et après avoir donné sur sa vie et son œuvre quelques renseignemens, pour la plupart inexacts, il raconte qu’il a connu autrefois une jeune Allemande qui admirait Novalis. Le passage mérite, au reste, d’être rappelé tout entier :

La Muse de Novalis était une jeune fille blanche et élancée, aux yeux bleus et sérieux, aux cheveux blonds dorés, aux lèvres riantes, et avec un petit signe maternel, couleur de fraise, sur le côté gauche du menton. C’est que je me représente comme la Muse de la poésie de Novalis la jeune fille même qui me fit connaître Novalis, et dans les mains de qui je trouvai le livre de maroquin rouge à tranches dorées qui renfermait le roman de Ofterdingen. Elle portait toujours une robe bleue, et elle se nommait Sophie. Elle vivait à quelques heures de Gœttingue, chez sa sœur, qui était maîtresse de poste… Elle était délicate comme une sensitive, et ses paroles étaient si parfumées, si harmonieuses ! Quand on les mettait ensemble, elles devenaient tout naturellement des vers. J’ai noté plusieurs choses qu’elle m’a dites : ce sont de singulières poésies tout à fait à la manière de Novalis, mais encore plus spiritualisées et plus éclatantes. Une de ces poésies, qu’elle me disait lorsque je lui fis mes adieux, en partant pour l’Italie, m’est particulièrement chère. Une nuit d’automne, dans un jardin où une fête s’est terminée par une illumination, on entend un colloque entre le dernier lampion, la dernière rose et un cygne sauvage. Les brouillards du matin