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créateurs de beauté, les Pénicaud, les Limosin, elle remerciait la légion d’ouvriers d’art qui répandirent dans le monde, durant les deux derniers siècles, la renommée du travail français. Leurs œuvres nous montraient ces modestes artisans pétris des meilleures qualités de notre race, courage, intelligence, honnêteté, enthousiasme. Ainsi, depuis les jours les plus lointains, notre pays a vu grandir une démocratie ouvrière, avec toutes les vertus qu’on lui voudrait ! Elle honora la vieille France, et, quoi qu’on en dise, elle y fut honorée. Son robuste passé nous est un gage de son avenir. Comment ne pas aimer le peuple qui a fourni dans tous les temps ces armées de bons travailleurs, comment ne pas croire et ne pas espérer en lui ? Nous sortions tous du Petit Palais plus sûrs de la France, plus respectueux de son peuple, le cœur échauffé d’une tendresse passionnée pour ces humbles ancêtres, pour ces petits compagnons qui amassèrent dans leurs vénérables ateliers une partie de notre glorieux patrimoine.


III

Il nous reste à rechercher ce que l’Exposition nous apporta de vraiment nouveau. — Moins qu’on ne l’eût imaginé. Ce ne fut pas sa faute. Cela revient à dire que la dernière période décennale n’a été marquée par aucune révolution capitale dans les divers domaines de l’art, de la science, de l’industrie. — Quoi de nouveau dans les arts ? Serait-ce l’architecture ? Là, il y aurait plutôt régression. En 1889, le fer s’offrait bravement à nous, seul et nu ; il nous faisait juges de ses aptitudes comme élément architectural. Depuis lors, on dirait qu’il a ressenti la honte du premier homme après le péché, et le même besoin de voiler sa nudité. Aujourd’hui, le fer s’enveloppe d’étoupes enduites de plâtre, et c’est le staff ; il se dissimule dans une chemise de mortier, et c’est le ciment armé. Le « modern style » exerce sa fantaisie sur les tissus et les bijoux, sur le meuble, la verrerie, la céramique ; il cherche péniblement sa figure et ses lois. Les a-t-il trouvées ? Nous renvoyons le lecteur aux conclusions fortement motivées de M. de la Sizeranne : elles déterminent la valeur esthétique de ces tâtonnemens, leurs gains incontestables dans le coloris, leur impuissance à créer la ligne.

L’Exposition a rendu visibles les progrès continus des sciences physiques et de leurs applications mécaniques ; elle n’a pas