Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours accru après chaque période décennale, mais nécessairement limité ? Dans cette hypothèse, le seul tort des organisateurs serait d’avoir assis leurs calculs sur des évaluations chimériques ; ils auraient mal apprécié la limite infranchissable, et dépensé un effort disproportionné aux masses qu’ils pouvaient raisonnablement espérer de mouvoir.


II

Avant de louer dans l’Exposition ce qu’elle offrait de plus remarquable, signalons les points faibles où elle était inférieure à sa devancière. — Le plan général, moins rationnel que celui de 1889, a été l’objet de critiques unanimes. Le classement confus rendait l’étude malaisée et fatigante. Des objets de même nature ou de même provenance étaient arbitrairement dispersés aux Invalides et au Champ-de-Mars. On allait à leur recherche comme on va à la chasse ; c’était parfois un plaisir de dénicher des trésors dans les cachettes où nul ne les soupçonnait : il y fallait de la patience, de la chance, et de bons jarrets. Reconnaissons que le problème du classement était cette fois plus difficile sur une aire plus vaste ; mais, si l’on avait trop embrassé, on avait certainement mal étreint.

Nous n’avons pas retrouvé le Palais de la Force. Dans la Galerie des Machines, coupée par la salle des harangues et des cantates, morcelée et envahie par les produits alimentaires, par les cottages des divers vins de Champagne et par le vaisseau du meilleur chocolat, nous regrettions l’ancienne beauté de la nef métallique et l’imposante réunion de tous les moteurs mécaniques en action. Pour ceux mêmes qui ne se connaissent pas aux particularités des machines, ce fut, il y a onze ans, un inoubliable spectacle, un grand sujet de méditations et de rêveries, l’apparition synthétique de la force savante qui domine et fait progresser notre siècle. Aujourd’hui plus que jamais, alors qu’on prétendait nous retracer la figure de ce siècle finissant, il eût fallu nous montrer cette maîtresse du globe concentrée en un seul lieu dans la souple énergie de tous ses membres de fer. La puissance des machines s’est encore accrue depuis onze ans ; et pourtant, par le fait de leur dispersion, elle aura laissé une impression amoindrie aux visiteurs de son temple désaffecté.