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Pendant le même laps de temps, les dépenses du budget ordinaire arrivées à 3 446 millions en 1890 (avec les fonds spéciaux) montaient à 3 868 millions pour 1899, à 3 922 millions pour 1900 et à 4 030 millions pour 1901, augmentant ainsi d’une moyenne annuelle de 46 millions et demi dans le premier cas, de 47 millions et demi dans le second, et de 53 millions dans le troisième. Le moment s’approche donc où la France, si la marche des choses continuait, ne travaillerait plus que pour l’Etat, pour l’Etat monstre, envahissant tout, absorbant tout, dévorant tout. Ce repas formidable ne serait pas long. Le jour où l’individu, créateur essentiel de la richesse, ne trouverait plus au bout de son travail, de son énergie, que les réquisitions du percepteur, tout effort cesserait et toute production.

Sans doute il y aurait lieu d’interpréter tous les chiffres qu’on vient de voir, et les thèses les plus diverses pourraient, à cet égard se développer ; mais, en ce moment, le seul but poursuivi ici était de préciser des faits matériels positifs et simples, sur lesquels chacun peut disserter mais que personne ne peut contester.

Le XIXe siècle a commencé par un budget de 836 millions ; le XXe va commencer par un budget de 4 030 millions, près de cinq fois plus élevé. Si la progression continuait, nos heureux neveux devraient supporter, dans cent ans, une dépense de près de 20 milliards. Le ralentissement du commerce, de la richesse publique, ne saurait manquer d’arrêter auparavant l’expansion budgétaire. A défaut de clairvoyance et de bon sens chez les pasteurs des peuples, les forces manqueraient quelque jour à la bête de somme taillable et corvéable, qui tomberait sous le faix.


JULES ROCHE.