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petites ou grandes, pour chercher un prince en âge de raison à qui la couronne pourrait être offerte. La liste, bien que longue, fut assez vite parcourue, car on éliminait, à première vue, tous les princes protestans, l’épreuve faite pour les Pays-Bas (à laquelle pourtant, comme on le verra, il fallut revenir) ne semblant pas d’abord de nature à être tentée une seconde fois. Les catholiques étaient moins nombreux : d’abord, en qualité de partie intéressée, l’Autriche excluait tous ses archiducs, ne voulant d’ailleurs à aucun prix, disait-elle, reprendre, ni pour elle ni pour les siens, la charge de gouverner une nation turbulente qui ne lui avait jamais donné que des ennuis. Les Bourbons aussi devaient être mis de côté, à cause de leur parenté française, bien que, depuis l’événement de 1830, les diverses branches de cette illustre famille vécussent en médiocre intelligence ; les seuls, du reste, qui parussent disponibles, les princes napolitains, étaient propres neveux de la reine Marie-Amélie. De compte fait, il ne restait plus guère qu’un cadet de Bavière, qui faillit, en effet, rallier tous les suffrages, mais on réfléchit que c’était un mineur auquel il aurait fallu donner un tuteur : c’eût été probablement quelque grand seigneur du parti catholique belge, et c’était trop de dévotion pour les protestans de Londres et les libres penseurs de Paris.

Pendant qu’on correspondait ainsi sans pouvoir s’entendre, et que les noms mis un jour en avant étaient rayés le lendemain, une impatience bien naturelle gagnait les Belges, ennuyés à juste titre d’être mis ainsi en adjudication, non pas à l’enchère, mais au rabais. Après tout, n’était-ce pas d’eux qu’il s’agissait, et n’était-ce pas à eux à savoir à qui ils voulaient prêter leur obéissance légale et leur fidélité ? L’idée que le choix leur appartenait et que c’était à eux seuls d’y pourvoir, sans tenir compte de la sympathie ou de la répugnance de prétendus protecteurs, fut bientôt exprimée tout haut. Ce fut alors un courant d’opinion irrésistible, et le nom qui se trouva dans toutes les bouches fut celui du Duc de Nemours, second fils du roi Louis-Philippe.

Quand cette candidature, silencieusement tenue à l’écart dans les milieux diplomatiques, fut tout d’un coup produite avec éclat dans le public et la presse belges, on fut assez disposé à y voir (le soupçon était naturel) le résultat d’une manœuvre secrètement ourdie par la France. Lord Palmerston surtout fut empressé à le croire, et il en parla si haut que personne en Angleterre n’en