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en Allemagne : ils le sont aujourd’hui plus encore qu’à l’ordinaire, l’échéance prochaine des traités de commerce mettant en cause des intérêts naturellement intransigeans. Le fait qu’il n’a été jusqu’ici qu’un diplomate rend M. de Bulow plus libre : il n’a aucun parti pris préalable, et ne peut dès lors inspirer de défiance à personne. Mais, précisément pour ce motif, chacun espère s’emparer de lui, et il aura beaucoup à faire, pour se tenir en équilibre entre les agrariens de l’Est et les manufacturiers de l’Ouest, entre les protectionnistes à outrance et les libre-échangistes. Au surplus, ce sont là les questions de demain, et, si on les discute en Allemagne avec véhémence, le moment de les résoudre n’est pas encore venu. La question du jour, sur laquelle M. de Bulow aura des explications à fournir dès la rentrée du Reichstag, est la question chinoise. Toutes les propositions qu’il a faites pour la résoudre n’ont pas été également heureuses : mais il vient de donner à sa politique un appui important en se mettant d’accord avec l’Angleterre sur certains points spéciaux. Il est d’ailleurs trop diplomate pour s’exagérer la portée de son entente avec lord Salisbury. Il sait bien que l’Angleterre n’a pas l’habitude de tenir plus qu’elle n’a promis, et, cette fois, elle n’a pas promis grand’chose. Le fait du rapprochement de deux grandes puissances, isolées jusqu’à ce jour en face de l’alliance franco-russe, est plus significatif à nos yeux que ne le sont les termes mêmes de leur accord.

L’arrangement porte la date du 16 octobre : il a été communiqué le 20 à tous les gouvernemens, et on leur demande d’adhérer aux principes sur lesquels il repose. D’après les notes plus ou moins officieuses publiées par les journaux, l’Italie et l’Autriche auraient répondu aussitôt d’une manière affirmative ; mais il est permis de faire remarquer que ces deux puissances, qui au surplus font partie de la Triple Alliance, ne sont pas au nombre de celles qui ont des intérêts considérables en Extrême-Orient. Les autres n’ont pas encore répondu, et peut-être éprouvent-elles quelque embarras à le faire, embarras facilement compréhensible lorsqu’on relit l’arrangement avec attention.

Il se compose de quatre articles, dont les deux premiers ne peuvent soulever aucune objection. L’un pose très nettement ce qu’on a appelé le principe de la porte ouverte, par opposition avec celui des zones d’influence. La France, la Russie, les États-Unis, le Japon, tout le monde enfin, est partisan de la porte ouverte, c’est-à-dire de la liberté et de l’égalité, les mêmes pour tous, dans toute l’étendue de l’empire chinois : tandis qu’il n’échappe à personne que l’établissement de