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grand nombre. M. Abelous a trouvé seize espèces de microbes dans l’estomac sain. A la vérité, la plupart sont inoffensifs ; mais il y en a de pathogènes, et l’action du suc gastrique s’est bornée à en atténuer la virulence. Le fait a été constaté pour le bacille du côlon, pour des staphylocoques, et pour le pneumocoque. M. Gilbert assure que le bacille d’Escherich peut franchir l’estomac sans être détruit. Les bacilles typhiques et cholériques sont dans la même condition. On ne peut donc compter sur l’acide chlorhydrique stomacal pour la défense du tube digestif contre les microbes pathogènes.

Mais, chose plus grave, s’il est souvent impuissant dans sa condition normale, l’estomac est singulièrement nocif lorsqu’il fonctionne mal, par exemple, lorsqu’il est dilaté et rempli d’un liquide insuffisamment acide. Il donne asile, dans ce cas, à une faune et à une flore très populeuses de micro-organismes malfaisans. Des fermentations s’y développent ; des substances toxiques y prennent naissance, qui engendrent toutes sortes de malaises et de maladies. Quelques-uns de ces produits se répandent dans les centres nerveux et donnent lieu aux vertiges, aux migraines, à l’hypocondrie ; d’autres, en s’éliminant par le rein, créent des néphrites diverses ; d’autres encore, n’ayant d’issue que par la peau, déterminent les diverses affections connues sous les noms d’acné, d’urticaire et d’eczéma. Il vaudrait mieux n’avoir pas d’estomac que d’en avoir un mauvais ; et c’est dans des cas de ce genre qu’on est fondé à dire que l’estomac, tout compte fait, ne sert que peu à la digestion et qu’il nuit beaucoup au bon fonctionnement de l’organisme.


A. DASTRE.