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la suite d’un repas déterminé. Ils font entrevoir le régime qui convient à tel ou tel sujet, suivant que son estomac se trouve dans tel ou tel état. Un estomac trop actif et qui sécrète un suc trop acide a besoin du régime insipide : il n’a pas un choix à faire parmi les mets savoureux ; il a à s’en abstenir ; il lui faut des graisses, du lait et des féculens que ne relève aucun condiment. S’agit-il au contraire d’un sujet hypochlorhydrique ? Ce qui convient, ce sont les viandes, parce qu’elles sont capables d’exalter la sécrétion chimique, et encore faut-il leur donner la préparation la plus propre à exciter le goût, c’est-à-dire à susciter la sécrétion sensorielle.


VIII

Tandis que les efforts d’un certain groupe de physiologistes réussissaient ainsi à éclairer la question du fonctionnement de l’estomac, d’autres travaux, poursuivis parallèlement, tendaient à montrer chaque jour plus clairement l’inutilité de cet organe au point de vue de la digestion. Si le bon état de ce viscère importe beaucoup à la santé, il semble importer fort peu à la digestion. On peut dire, sans paradoxe, que ce n’est pas là sa fonction. C’est un sac à provisions, c’est un garde-manger, ce n’est plus un instrument essentiel de la transformation des alimens. Il est disqualifié, en tant qu’organe digestif. Les alimens y stationnent en attendant le moment d’aller subir dans l’intestin l’action énergique et décisive du suc pancréatique.

C’est la connaissance de plus en plus approfondie du rôle du pancréas qui a dessillé les yeux des physiologistes et dissipé l’erreur universelle et plusieurs fois séculaire qui régnait à propos de l’estomac. L’origine de cette révolution biologique remonte au célèbre mémoire de Claude Bernard sur les fonctions de la glande pancréatique, paru en 1856. On sait, depuis lors, que le suc pancréatique est capable de digérer les trois catégories d’alimens : les albuminoïdes, les féculens et les graisses, et qu’il les digère en effet, — et, quant à la quatrième catégorie, les substances sucrées, ce n’est point dans l’estomac qu’elles sont transformées, mais dans l’intestin.

A mesure que grandissait l’importance du pancréas, celle de l’estomac se réduisait de plus en plus. La preuve était faite, successivement, que son action était nulle par rapport aux alimens sucrés, gras et féculens. Elle ne pouvait s’exercer que sur les seuls albuminoïdes, — et encore, avec combien de restrictions ! La chair musculaire, la viande, type cependant des alimens azotés, lui échappe à peu près