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de la même manière en présence de chaque espèce d’alimens : il ne réagit pas également à la sollicitation de chacun d’eux. Les choses se passent comme si une obscure sensibilité lui révélait la nature de l’aliment qui le sollicite et la réponse qu’il doit y faire. Si c’est de la viande, le suc gastrique apparaît abondant et actif : avec le pain, le lait et les graisses, au contraire, c’est un suc rare, dilué, atténué, sans vertu. La sécrétion est donc adaptée, en quelque sorte, à la nature de l’aliment.

Cette adaptation curieuse de la sécrétion à l’espèce chimique de la substance qui vient en contact avec la paroi de l’estomac n’est pas un fait entièrement nouveau. Avant Pawlow, un autre savant, M. Schiff, qui fut longtemps professeur à l’Université de Genève et qui a laissé une grande réputation en physiologie, avait, — mais avec bien moins de netteté, — constaté cette faculté élective de quelques alimens vis-à-vis de la production du suc gastrique. Mais il n’avait pas réussi à analyser le phénomène : il n’en avait aperçu qu’une face. Il ne connaissait pas les formes multiples de l’activité de l’estomac et la diversité des sécrétions dont il est capable.

Il a fallu distinguer celle dont nous parlons ici de toute autre. On a dû choisir une désignation spéciale pour cette espèce de sécrétion provoquée par le contact de l’aliment avec l’estomac, et dont l’abondance et l’énergie sont en rapport avec la nature chimique de l’aliment. M. Pawlow l’a appelée 'sécrétion chimique. Le nom n’est pas très heureux : il n’exprime que très imparfaitement le fait que la constitution chimique de l’aliment règle la quantité du liquide stomacal et son activité, c’est-à-dire sa richesse en ferment. M. Pawlow l’a encore appelée la sécrétion seconde, parce qu’en effet, il y en a une autre qui la précède et qui est suscitée, dès l’introduction de l’aliment dans la bouche, par l’impression qu’il produit sur le sens du goût. C’est cette sécrétion sensorielle ou première, dont on ne soupçonnait pas l’existence, que M. Pawlow a bien fait connaître.


VII

C’est un fait de notoriété vulgaire que, lorsque la sensualité gustative est mise en éveil par la vue, le fumet, ou seulement par le souvenir d’un mets agréable, « l’eau en vient à la bouche, » c’est-à-dire que la sécrétion salivaire se produit en abondance. Ce que l’on ne savait point, c’est que l’eau en vient aussi à l’estomac, c’est-à-dire que la même excitation sensorielle suscite la sécrétion gastrique. A plus