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Je devais par la royauté
Avoir commencé mon ouvrage :
Messer Gaster en est l’image.


Ce roi ne gouverne pas seulement ses sujets, il les nourrit. Aussi, lorsque les membres s’insurgent contre lui, il les prend par la famine. L’inanition entraîne ses habituelles conséquences : « Il ne se forme plus de nouveau sang au cœur. » En fin de compte, les mutins tombèrent bientôt en langueur et virent


Que celui qu’ils croyaient oisif et paresseux
A l’intérêt commun contribuait plus qu’eux.


N’en demandons pas davantage à la fable et à l’apologue. Ils nous disent l’importance du rôle que toute l’antiquité a attribué à l’estomac dans le concert vital. C’est lui qui nourrit les organes ; il digère pour eux ; il est l’instrument de la digestion, de toute la digestion.

Cette opinion n’a pas été seulement celle de la médecine ancienne ; elle a continué de régner jusqu’à nos jours. Les physiologistes d’il y a cinquante ans n’avaient aucun doute sur la primauté de l’estomac et sur son rôle capital et quasi unique dans la digestion. La science d’aujourd’hui ne peut plus souscrire à cette affirmation ; et, les modernes, renversant la proposition de leurs prédécesseurs, déclarent que l’estomac ne sert pas à la digestion, mais plutôt, qu’il y nuit.

Il est intéressant de suivre dans l’histoire de la physiologie le mouvement qui aboutit à un si complet renversement de l’idée première.


IV

L’estomac étant supposé l’organe de la digestion, de toute la digestion, l’idée que l’on se formait de son rôle était réglée par celle qui régnait à propos de cette opération elle-même. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, cette idée resta assez vague. On savait que les alimens introduits dans l’estomac y étaient plus ou moins dénaturés ; qu’ils subissaient une série de modifications qui les rendait propres à être absorbés et utilisés pour la réparation de l’édifice vivant. Mais, sur la nature de cette élaboration, on n’avait pas de lumières ; et, en vérité, l’on n’en pouvait pas avoir beaucoup dans cette période, en quelque sorte fabuleuse, où la chimie n’existait pas encore. A défaut d’idées nettes, on se formait seulement des images de cette opération.

Pour Hippocrate, la façon que recevaient les alimens était une préparation culinaire ; elle était le prolongement, en quelque sorte, de