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en est facile, et je sais que l’exécution de cette loi est strictement assurée.

Sauf les terrains cultivés par les indigènes et leur appartenant, tout ce qui n’a pas été accordé aux sociétés ou à des particuliers, l’Etat se le réserve sous la dénomination souvent mal interprétée de « domaine privé. » On en a conclu que seul le souverain en recueille les bénéfices. Et c’est vrai puisque le Roi est l’Etat, mais ce revenu alimente uniquement les caisses de l’Etat au même titre que les impôts. Tout autre est le « domaine de la couronne, » situé sur les rives du lac Léopold II. Les produits de cet apanage figurent au budget des recettes de l’année 1900 pour une somme de 700 000 francs, tandis que l’article : « Produits du domaine privé de l’Etat, des tributs et impôts payés en nature par les indigènes » représente dix millions et demi. Comme ce même état des recettes accuse annuellement le versement d’un million de francs par le Roi-Souverain, les dénigrans doivent conclure que, ou bien personnellement le souverain du Congo ne fait aucun bénéfice, ou bien les budgets officiels de l’Etat Indépendant sont inexacts.

Le budget de 1900 prévoit un chiffre de recettes d’un peu plus de 26 millions, dont les droits de douane pour 5 millions, le service des transports pour 4 millions, les produits du domaine pour 10 millions et demi ; le portefeuille pour 3 millions, l’avance annuelle du Trésor belge et le versement du Roi-Souverain pour 3 millions, forment les principaux élémens. Au chapitre des dépenses, évaluées à un peu moins de 28 millions[1], l’entretien de

  1. Pour combler ce déficit d’un million et demi constaté dans le budget de 1900, voici dans quels termes s’exprime le rapport adressé au Roi-Souverain, le 15 juillet 1900, par sa secrétairerie d’État :
    « Cette situation impose au gouvernement le devoir de ne négliger aucune source de ses revenus et notamment le produit du domaine privé. Nous avons exposé antérieurement la légitimité absolue de cette exploitation du domaine, qui découle du droit de propriété de l’État, et nous ne rappelons ce principe de la domanialité que pour constater l’application qui vient précisément d’en être faite sur une large échelle dans la colonie voisine du Congo français. Les produits du domaine figurent d’ailleurs au budget, ce qu’on semble assez généralement ignorer ; ils sont, avec les produits des tributs, évalués à 10 500 000 francs au budget de 1900. C’est dire qu’ils sont indispensables pour tendre à l’équilibre budgétaire.
    « Il y a, du reste, un avantage évident pour le commerce à ce que l’État exerce son droit de propriétaire et en retire toutes les ressources possibles plutôt que de s’adresser à l’impôt. Les chiffres rappelés plus haut montrent combien écrasantes seraient-pour le commerce les charges à lui imposer, si le Trésor devait s’alimenter uniquement par l’impôt. L’État, en diminuant ces charges, reste fidèle à son programme de travailler à la prospérité commerciale, puisque la mise en rapport du domaine constitue en quelque sorte un dégrèvement, en permettant de ne pas majorer les impôts. A un autre point de vue, cette mise en valeur du domaine fournit un mode rationnel d’accoutumer à un travail régulier le noir, qui, on le sait, n’y est pas enclin naturellement. Il est généralement reconnu qu’il faut l’y amener en réclamant de lui un impôt sous forme de prestation de travail et en rémunérant sa peine. »